Je ne suis pas un maître en philosophie comme
Normand Baillargeon, mais si je le comprends bien, M. Couillard vient de nous garrocher un joli faux dilemme : d'un côté la « solution » de la fuite, du déni et de l'isolement, de l'autre l'affirmation d'une destinée canadienne commune. « Contrairement à ceux qui croient que la fuite, le déni ou l'isolement sont une solution valable, à-t-il déclaré, je dirais que nous devons plutôt nous inspirer de la vision de George-Étienne Cartier, celle d'un partage unique et envié d'une destinée commune dont l'identité québécoise forte et affirmée fait partie ».
Est-ce à dire que tous les gouvernements successifs québécois depuis 1982 ont choisi la fuite? Entre la fuite et le ralliement au 150e du Canada de 2017, n'y aurait-il pas en toile de fond « La question du Québec » qui pose, entre autres, à sa manière, le principe politique de l'égalité des peuples et des nations au Canada?
Autre élément : selon le premier ministre, on devrait s'inspirer de la vision de
George-Étienne Cartier. Quelle était donc cette vision? Selon ce que j'ai lu, c'était une vision conservatrice et assez éloignée de celle du rouge Patriote des jeunes années. Mais sans doute y avait-il la croyance parfaitement canadienne-française de l'époque selon laquelle le Canada de 1867 est la création des « deux peuples fondateurs ». Or comme la démontré parmi d'autres les travaux de la constitutionnaliste
Eugénie Brouillet, cette vision — qui excluait les Premières Nations — ne résiste pas à l’analyse des faits : l’évolution du fédéralisme canadien et l'exercice réel du pouvoir fédéral, surtout à la faveur de la Deuxième Grande Guerre, ont évacué la notion des deux peuples fondateurs. Ni la Loi sur le bilinguisme (Trudeau), ni la reconnaissance symbolique du Québec comme « foyer de la culture canadienne-française » (Chrétien), et plus tard la reconnaissance de la « nation québécoise » (Harper), rien dans tout cela et pas une seule tête sur le billot n’a reconnu jusqu’à maintenant au gouvernement du Québec les pouvoirs d'assurer, justement, la pérennité et le déploiement de l'identité du peuple québécois.
Le coup de force de 1982 a dans les faits, et sans le consentement du gouvernement dirigé alors par René Lévesque, diminué les pouvoirs du Québec. Et voilà que dans sa plus simpliste expression M. Couillard parle aujourd'hui de déni, de fuite et d’isolement volontaire d'une part, et de « partage envié » d'autre part? Il ne le dit pas et il n'a peut-être rien à dire, mais plusieurs visions politiques autres que la vision conservatrice léguée par Cartier peuvent nous inspirer, y compris possiblement des visions fédéralistes progressistes, si jamais elles existent « par ricochet » et autrement qu'en courants d'air, qui ne sont pas collées sur un statu quo illégitime.
Faux dilemme (Wikipedia) : « exclusion du tiers, fausse dichotomie ou énumération incomplète, est un raisonnement fallacieux qui consiste à présenter deux solutions à un problème donné comme si elles étaient les deux seules possibles, alors qu'en réalité il en existe d'autres. »