Nous préparons crémone et mitaines. Nous y serons.
Des personnalités publiques s’engagent contre l’austérité
« On ne l’a pas élu pour ça ! » fustige Normand Baillargeon. Succinct, le professeur et essayiste résume l’essentiel de la campagne « Refusons l’austérité », une initiative lancée le 2 novembre dernier par des organismes de la société civile, des syndicalistes et des organisations étudiantes pour dénoncer les compressions budgétaires dans les programmes sociaux et les services publics annoncées par le gouvernement Couillard.
Baillargeon fait partie des quelques autres personnalités publiques ayant choisi de soutenir la campagne et encourageant publiquement la participation citoyenne au mouvement contre l’austérité. Le chanteur Daniel Boucher, l’écrivain Yves Beauchemin et le commentateur Gabriel Nadeau-Dubois se sont aussi prêtés au jeu, le temps d’une courte capsule vidéo.
« Il y a un sérieux déficit démocratique en ce moment, ajoute M. Baillargeon. Les décisions prises par le gouvernement sont présentées comme une fatalité, comme si nous n’avions pas le choix. On ne s’embarrasse même plus de promettre qu’elles sont prises pour le bien commun. »
La campagne culminera par deux marches simultanées ce samedi, l’une à Montréal et l’autre à Québec. Elles font écho à la manifestation du 31 octobre dernier, organisée par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation, et ayant rassemblé des milliers de personnes dans les rues montréalaises sous l’étendard commun d’une opposition aux mesures d’austérité.
De telles actions s’organisent à mesure que Québec fait tomber le couperet, prévoyant des coupes de 3,7 milliards de dollars cette année dans le but d’assainir les finances publiques. Alors que le gouvernement provincial parle d’efforts budgétaires, les organisateurs deRefusons l’austérité adoptent un ton plusalarmant. Les communiqués publiés parlent de « démantèlement de l’État-providence » et mettent en gardent contre la possibilité d’une « société déstructurée et désorganisée ».
Mais à quoi s’oppose-t-on au juste ? « L’austérité n’est pas une réalité, c’est un discours », explique Christian Nadeau, professeur de philosophie politique à l’Université de Montréal, qui appuie aussi la campagne. « [C’est] le discours des riches qui veulent encore plus de richesses pour eux-mêmes. »
Les mesures d’austérité seraient donc des choix politiques. Des choix qui seraient selon lui « réfléchis, ciblés, orchestrés, préparés », en plus de dépasser la bannière d’un parti politique particulier. « Elles n’appartiennent pas nécessairement au Parti libéral du Québec. On retrouve le même type de discours au sein du Parti québécois et, surtout, au sein du patronat », ajoute M. Nadeau.
Normand Baillargeon se rallie aussi à l’idée que la question de l’austérité dépasse le gouvernement Couillard et s’inscrit dans une perspective historique plus longue : « Il y a quelque chose de très cohérent dans les mesures d’austérité. Au provincial, c’est les compressions budgétaires. Au fédéral, les coupes à Radio-Canada. Tous les exemples montrent une convergence vers une atteinte délibérée à la démocratie. »
Si le concept paraît évanescent, les effets n’en seraient pas moins réels. Pour les deux professeurs, les dégâts se mesurent par un accroissement des inégalités sociales. Même son de cloche auprès de Rosalynn Nguyen, animatrice de l’émission-débat Quelque show sur les ondes de CBC et l’une des personnalités ayant soutenu la campagne.
« Le gouvernement Couillard préfère nous faire sentir coupables en nous faisant croire que nous n’avons plus les moyens de nous permettre des services publics de qualité », ajoute-t-elle. Au lieu de servir la population, le gouvernement actuel imposerait de force une « cure minceur » en« sabrant l’éducation, la santé, les CPE et l’aide aux plus démunis, attaquant de front les valeurs d’entraide et de soutien à la collectivité ».
« Tout ça laisse penser que le politique — soit la décision collective — est entièrement soumis à l’économie. Pourtant, c’est le politique qui doit commander à l’économie. Pas l’inverse !, explique M. Baillargeon. Un débat sur les finances publiques doit se faire sans occultation des données pertinentes par le gouvernement », renchérit-il.
Nguyen, Baillargeon et Nadeau maintiennent tous les trois que les mesures d’austérité visent à affaiblir la société civile et que, pour s’y opposer, il faudrait un mouvement fertile émanant des organisations syndicales et des mouvements sociaux. La mobilisation souhaitée par la campagne Refusons l’austérité serait donc un premier pas en ce sens.
« Il faut répondre [à l’austérité] par une autre manière de voir qui relève de la solidarité », soutient Christian Nadeau. L’enjeu serait pluriel, ne se limitant pas à la sphère économique : « Nous nous opposons à l’abandon des plus démunis, aux hiérarchies artificielles, à la destruction de la culture et de l’éducation, au machisme institutionnel, à la mise sous tutelle de la démocratie et à la corruption. »
L’idée qu’une prise de position contre l’austérité passe par un engagement dans l’arène publique résonne aussi chez Rosalynn Nguyen. « Considérant l’urgence de la situation, il est impératif de se mobiliser. Manifester en prenant la rue est une première étape concrète pour se rassembler, échanger des informations et des idées pour trouver de nouveaux moyens pour rejoindre et conscientiser chacun des contribuables québécois », martèle-t-elle avant de conclure que « le Québec vivra une grande noirceur si le peuple ne se mobilise pas ».
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