07 octobre 2015

Fleurs de mala madre

Photo Jacques Desmarais.

Ce qui advient quasi imperceptiblement. Comme ces fleurs à la retraite. Autrefois, je restais souvent tard au bureau. Je ne m'en vantais pas! Seul comme un grand fanal dans ma prison de papier... En passant dans l'allée, la femme de ménage aimait bien échanger quelques mots. Un soir, elle m'a dit que ma plante-araignée s'appelait mala madre. Pourquoi donc mauvaise mère? «C'est parce qu'elle jette ses enfants par-dessus bord! » 


Pensez-vous que l'ange des livres allait laisser passer pareille petite phrase de l'intérieur? 

Un bon soir, il m'a soufflé ceci :

« Dans le coma des machines, dans la nuit
des programmes compilant l'univers,
elle a fait un grand geste pour effacer la poussière,
essuyé le cerne de café laissé par la tasse
et soudain la vibration réveille un écran,
le sourire d'une femme à demi-nue semble avoir pitié d'elle
puis c'est l'image d'une plage sous les Tropiques
la cathédrale dentelée d'une ville d'Europe,
les nymphéas de Monet, le Christ de Corcovado,
elle arrête un instant sa main besogneuse
elle inspire l'air sec du grand bureau
sidérée comme au passage d'une comète,
ses deux pieds douloureux à distance
de la terre, ses deux pieds qui flottent
aux étages supérieurs de cette tour
irradiant la nuit. »
— Pierre Nepveu, Les verbes majeurs, Éd. du Noroît, 2009, p.29.

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