Photo JD. |
PAR LES SIGNAUX DU GRAND BOIS
La fenêtre est grand ouverte
et les rideaux, ma foi, sont en cavale!
Les gros-becs fruitent à coeur joie
dans le pommier rabougri d’à côté
Je ne sais trop sur quel pied danser :
est-ce que je dors encore un peu?
C’est par la fuite du matin trouble
que je rêve le plus à ton nom d’oiseau...
Pendant que les sarcelles
s’inquiètent du temps nomade,
tout scintille encore dans l’écho profond des encorbellements :
aquarelles, encres, eaux-fortes, barbouillages foncés
et petits craquements furtifs des élans d’Amérique
qui triomphent à l’école buissonnière...
Haïe!
Tu as détaché la chaloupe?
Je gagne comme une flèche
l’érablière pentue qui vire jaune
et surplombe en climax
le point de vue panoramique
C’est un pays intense de corniches émeraude,
un herbier coquin pour espadrilles en lambeaux
Je marcherai vers toi comme un aveugle
en décalquant la rive avec les charbons de mes yeux de matelot
À travers branches et boulots jolis,
il y a comme des reflets de spoutniks
aux électrons stones grouillant de brise,
des fleurs fugitives tressées indiennes
en barques d'or sur le lac Boker
qui se piquent l’une l’autre en des horaires flexibles,
clignotent comme des codes secrets au-dessus du maquis
Elles battent de l‘aile, puis rebondissent aussitôt,
avec les cabrioles des sirènes mixtes,
brebis vagueuses aux bracelets lustrés
dardant la peau du cou
en vifs effets stroboscopiques
Trous de mémoire
qui égarent la saison parachutée...
L’automne, en sa première muance, il est vrai,
est d’abord un été trop mûr qui perd ses cornes,
un bal masqué espagnol
qui trompe l’horizon sans filet
Je t’apercevrai quand même au loin
suivre le crochet dentelé de l’Île-aux-Joncs
Et puis, au ralenti,
sur le miroir aux oubliettes qui s’égrainent,
je sais que tu longeras fidèlement
le quai de pierres léchées on ne sait d’où
Je devrai courir un peu pour te surprendre...
Siffler en étranger la pièce à musique de Mougins
Or dans mon âme paresseuse
de miel ambré et de septembre,
il y a toujours ce mélange échevelé
de coups d’épée et d’ardeurs de chevalet
qui flamboient
La disparition totale viendra à son heure, certes,
mais là, dans l’attente qui me gruge le coeur,
dans le silence gratuit au fond de moi,
je file hip-hop en blue-jeans sur la plage
et je t’allume, toutes voiles dehors,
un feu de brume chinoise
avec les brins de ma pauvreté de salmigondis!
Alors, tu m’accosteras en souriant,
car tu es bien ma nageuse,
ma trotteuse sauvage au luxe des quatre vents!
Mademoiselle l’imprésario des roselins pourprés
qui défrisent en ce moment même l’amélanchier
Celle qui espionne et dénoyaute le ciel,
les arbres, les quenouilles,
avec ses jumelles inspirées
Celle qui me chavire de bord en bord...
Jusqu’au chalet, tu éparpilleras sur le sol
les dernières rumeurs du huard à collier
croisé là-bas en toute intimité
Je sais que tu auras déjà bien trop chaud pour déjeuner!
que ta pensée flotte encore comme un nénuphar au milieu des roseaux
Puis, dans un bruissement ravageur
qui efface tout le tableau de la chambre en délire,
tu enlèveras ta robe de percale...
Hou! Tu es jeune!
Et moi, suis-je un ancien tigre?
Je ne redescendrai pas les mains moites!
À matin, dans mon pays sage de cerisiers tardifs,
trop timide, trop enfermé, trop cancre!
je ne laisserai pas la butte de sable
me poivrer de solitude!
4 commentaires:
Ce texte me plaît beaucoup.
J'y retrouve ma maison, dehors partout dans la forêt, le grand lac où je sculpte des veines en kayak. Sauf que quelqu'un rêve dans d'autres mots, quelqu'un dessine ses propres couleurs. Merci.
Rêver! C'est la clé des mots. Dis-moi, Nina, qu'est-ce que «sculpter des veines»?
La veine d'une rivière est toute naturelle. C'est le courant qui l'invente. En kayak, je m'amuse à la sculpter en avançant.
Je vois un peu. L'image est très belle. Sculpter les veines de la rivière, ce n'est pas suivre le courant. C'est écrire en pagayant.
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