02 avril 2007

Carnets pelés 9b : écrire à 21 ans



Parfois lorsque je me relis, je suis obligé de sous-titrer mon écriture.

***

L'histoire commence au début de l'été. Nous sommes le 29 juin 2005. Le faîte des arbres pétille de mouches à feu. Le ciel est étoilé. J'ai des poèmes dans ma tête qui marchent avec des souliers ferrés. Mais mon attention est diffuse dans la vieille campagne où je suis né. Qu'est-ce qu'écrire au milieu des grenouilles dans la clameur désengagée de ce temps? Il y a de la boue sur les semelles des chansons. Mais nos yeux touchent parfois ce que nos mains ne voient pas. J'ai rêvé l'autre nuit que je n'arrivais pas à analyser un texte de mots éparpillés, jaune-orange, un texte de Félix-Antoine Savard. Était-ce du Menaud? C'était tellement du chinois! Je n'ai pas le goût de ziguer sur les billots dramatiques. Mais que veut dire ce crochet dans la nuit? Est-ce parce que j'ai du fil à retordre avec le puits qui est anormalement bas cette année? Je suis inquiet, mais je ne me sens pas du tout concerné par le draveur et la bave.

Je suis en train de lire L'avalée des avalés. Comment diable peut-on avoir écrit cela à 21 ans?

« Je pense, gravement, à un vaisseau d'étoiles en perdition dans les marais du matin. » (Gallimard, 1966, p. 224).

« Il faut que les pouvoirs de l'imagination soient grands pour que la seule coïncidence de quelques syllabes provoque un accommodement si vif de tout mon être, et un si grand désir. » (p.217)

« Il faut embaumer la braise, saisir le feu dans le vif de son sujet. » (p. 274)


Lac Pearsley, 20 juillet 2005

Ères de vérité. Je me fais libre. En lisant Réjean Ducharme, il me semble arriver à comprendre ce que peut signifier écrire « dans » l'imaginaire. C'est-à-dire écrire de la magie, de la pensée à distance. À pleines portes de grange. Colombe. Lapin. Chimère. Femme coupée. Cailloux réverbères. Télépathie.

« Je suis marécageuse, ravineuse et arboricole. Ma place n'est pas ici parmi ces mammifères. [...] j'ai choisi toutes les fleurs, tous les champs. Je n'ai rien à faire dans ce nid » (p. 362)

5 commentaires:

Anonyme a dit...

L'hiver de force m'a secoué. Je reviendrai à l'avalée..sous peu. Ducharme est vraiment un grand écrivain...

Anonyme a dit...

Je ne connaissais pas Réjean Ducharme. Honte sur moi et ma tête dans les cendres!Je ne connaissais pas cet homme mais ça m'a donné envie de le lire.Si je suis passant et rimailleur, tu es assurément passeur ...et brillamment.

Jack a dit...

Merci le rimailleur. On ne regrettera jamais d'avoir marché le jour dans la vallée avec Réjean Ducharme, le Grand timide de nos lettres.

Onassis, sans doute un jour vas-tu dévaler l'Avallée; rien ne va te tomber des mains sinon quelques traces en trop de poésie nue comme une giboulée d'avril sur les branches des arbres.

GMC, la prose est parfois en effet gaspillage d'écureuil, me disait un jour le poète Michel Garneau.

Nina louVe a dit...

Jack

chaque carnet pelé


fait son chemin jusqu'à : LÀ

Jack a dit...

Feu GMC écrivait le 3 avril 2007 :

FLAMBER LES CREPES

[...]

De fiction en fiction
Va la poésie
Concentré de vitamine
Qui nourrit son épandeur multisensoriel
D'aromates sans artifices
Au parfum de chandeleur