15 mai 2008

Ferlinghetti : pitié pour cette nation!

«J'attends que quelqu'un vraiment découvre l'Amérique et pleure.» Parfois tu files cheap, tu ne sais plus où est ta place; tu ne fais pas partie pantoute de la gagne; tu es transparent oublié. On ne t’invite pas à lire; on ne te connaît ni comme poète, ni comme bâton de dynamite. Tu n’es qu’un surnuméraire tout juste bon pour tenir la porte pendant que les autres passent. Pas assez smatte, pas assez wroups, pas assez whip, pas assez slim! Parmi les révoltés excités des années 1950, à New York, les Kérouac, Ginsberg, Snyder, les jazzeuz, fumeux de pot et cie, c’est comme cela que se sentait parfois celui qui allait devenir le doyen des beats vivants, j’ai nommé Lawrence Ferlinghetti, né en 1919, peintre, éditeur et libraire devenu célèbre avec son City Lights Books, auteur notamment de A Coney Island of the Mind (1958), un best seller de la poésie vendu à plus d’un million d’exemplaires, Poet Laureate de San Fransico nommé en 1998 (espèce d’Académie française dont la tradition remonte à Charles II). Pas pire comme parcours pour un radât. Après Ann Chambers, Ferlinghetti se rappelle bien la soirée retentissante qui catalysa le mouvement beat au cours de laquelle Allen Ginsberg fit pour la première fois la lecture saisissante de Howl. Ça se passait au 3119 Fillmore, au Six Gallery, le 7 octobre 1955 à 20h00... Six poètes sont à l’affiche de la séance de lecture, le slam n'étant pas originé de la dernière pluie. Philip Lamantia ouvre le bal suivi de Philip Whalen et Michael McClure. Après une brève intermission, Kenneth Rexroth, l’animateur de la soirée, introduit Ginsberg. Ce dernier entame sa lecture avec cette phrase choc : «I saw the best minds of my generation destroyed by madness...» Kerouac a apporté du vin en masse et est assis sur le côté de la petite scène basse. En mode survolté, il encourage Ginsberg en scandant des «Go!» à la fin de chaque strophe. Ébahi, ébloui, le public présent, plus de cent personnes, embarque à son tour en poussant de chauds encouragements au lecteur qui brûle les planches. Si bien qu’à la fin de sa performance, Ginsberg sort de scène ému au coton, en larmes. «Allen was really a master performer», dit Ferlinghetti. «He could really turn the audience on.» (Cf. Paul Iorio, A «Howl» That Still Echoes Ginsberg poem recalled, Chronicle Staff Writer,28 oct. 2000). C’est Ferlinghetti qui a cueilli le manuscrit pour le publier l'année suivante. En 1957, un procès fut engagé contre l’éditeur pour propos obscènes. La charge ne fut pas retenue par le juge. Ferlinghetti venait de commencer sa job de veilleur de nuit, épandeur de poésie, porteur de flambeau.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

«I saw the best minds of my generation destroyed by
madness, starving hysterical naked,
dragging themselves through the negro streets at dawn
looking for an angry fix,
angelheaded hipsters burning for the ancient heavenly
connection to the starry dynamo in the machinery of night,
who poverty and tatters and hollow-eyed and high sat
up smoking in the supernatural darkness of
cold-water flats floating across the tops of cities
contemplating jazz (...)»
Howl, A. Ginsberg

jd

Françoys a dit...

Ouuuuf.