22 mars 2010

Bonheur de lecture



Bonheur de lecture. Dans sa tête. Parfois, ça déborde dans une autre.

Je suis en train de lire Villa Amalia de Pascal Quignard (Gallimard, 2006). J'aime beaucoup et c'est assez intense les images que je me projette dans la tête chemin faisant, surtout depuis que Ann Hidden, l'héroïne du roman, elle avait au départ un ton si sec et méprisant, s'est entichée d'amour d'un lieu en Italie, une maison sur la falaise, presque invisible, inhabitée, avec vue sur Capri :
« On ne voyait que les arbres de la colline qui l'enveloppait, ou on ne voyait que la mer. » (p. 133 ).

Cette lecture et les traces qu'elle dépose en moi ont trouvé un chemin jusque dans mes restes diurnes. J'étais en France avec mon amie Jos, j'admirais sa maison en bois, non pas une villa, mais une très imposante structure, on aurait dit une ancienne grange transformée en maison comme on en trouve notamment dans les Cantons-de-l'Est. Je ne sais pas si ce rêve récent m'est advenu avant ou après la plus récente missive de Jos, datée du 16 mars.

Mais ce ne sont pas là les seules vagues remuantes de ma lecture. Tout à l'heure, vraiment par hasard, je glane de-ci, de-là un site dédié à Maurice Blanchot, puis je repère ce titre qui attire mon attention :« Lire c'est filmer ». J'ouvre le lien pour lire la suite. Il s'agit d'un Entretien avec Benoit Jacquot, qui, si je comprends bien, est tiré du Nouvel Observateur (3/04/09).

Je ne connais pas ce cinéaste. Il dit être venu au cinéma par le livre, et il ajoute : « Chaque lecteur, surtout l'enfant, déroule une sorte de ruban mental, rêve de ce que serait le film qui accompagne un texte. Comme les gens de la Nouvelle Vague, qui lisaient beaucoup, je me suis toujours fait un film avec les livres. »

Mais j'apprends surtout qu'il a mis en images Villa Amalia et je devine que c'est Isabelle Hubert qui tient le rôle de Ann!

À propos de sa rencontre avec Quignard, il précise que c'est l'auteur qui lui a fait parvenir le roman avant publication : « Quignard m'a dit d'y aller à la hache. Je ne l'ai plus revu jusqu'à la projection, qui est vraiment un sale moment. J'ai vu Duras refuser « l'Amant », j'ai vu de quoi un écrivain est capable. Ils sont tous malades du cinéma, mais quand ils voient ce qu'est devenu le texte, ils éprouvent une sombre satisfaction à voir tout ce qui est raté. Pour être réussi, le film doit trouver son autonomie. C'est ce qui s'est passé avec Quignard. »

Ce film sorti en avril 2009 en France, est-il venu au Québec à l'automne?

J'ai rapidement regardé la bande-annonce. Inutile d'ajouter que la maison du film n'est pas celle de ma lecture. Il faut croiser les imaginaires, en effet, ne pas les écraser. Mais l'image et le son passent comme un train dans la salle obscure. Nos lectures, quant à elles, sont sans tambour ni trompette, mais quel bonheur d'être le réalisateur tranquille de son propre film.




Note : Entretien avec Pascal Quignard (Gallimard, 2006)

1 commentaire:

Jack a dit...

Bonheur au radar jusqu'au bout et je jure que rien de ce que je dis n'a été arrangé avec le gars des vues! Le film de Jacquot a été porté à l'affiche à Montréal (au Cinéma Parallèle seulement)dans les semaines qui ont suivi mon commentaire! Magique! J'ai lu les dernières pages du roman juste avant la séance du 16 avril dans un café sur St-Laurent en face du Parallèle. Je reviendrai sur le film et le livre. Avec, si je le peux, un gros plan sur la magnifique Isabelle Hubert.