20 janvier 2011

Vue de l'hôtel Belley

À Québec au clair de la lune joufflue, souveraine au-dessus des brocanteurs, galeristes et fourneaux du Buffet des Antiquaires de la rue Saint-Paul, c'était en marchant la forge intime aux grains minuscules des souvenirs parmi les gens de mon pays. Mais ce n'est déjà plus la même image ce soir, il neigeote à présent, il est sept heures, c'est comme dans une carte de Noël, douce éternité en retard de cinquante flocons parmi les anges dans le ciel; puis la faim qui tenaille, que cela en tête. À l'horizon, le fameux cipaille du Buffet où je reviens manger installé sur un tabouret du comptoir avec un manque d'accent local. Le jeune plongeur un peu grassouillet, les écouteurs greffés au cerveau avec une brosse sur la tête, je le vois, flotte et rêve par la porte de la cuisine. Dans mon dos, un lecteur en suspension ad libitum à la barbe grise, avec des mains blanches de tout repos posées sur la table. Devant moi la serveuse enjouée, petite aux cheveux noir mûre et aux yeux de cassis, raconte au cuisinier à ne rien faire son goût immodéré de la crème en glace, jadis, quand elle avait de grosses fesses. Un verre de vin « maison » ben ordinaire. Un pouding aux framboises renversées. Café s'il vous plaît! 21 tomates avec le type. Retour au bercail temporaire. Des petites tables, des canisses, des têtes d'Indiens, un 33 tours à carreaux des Beatles, des vieilleries, un salmigondis tout le long jusqu'à l'hôtel Belley. Là, au bar, café allongé au Baileys (à part). Je griffonne ce mot de peine et de misère sur mon I-Pod. Je finis par sortir de ma coquille et placote avec un musicien anglo sympa du Mile-End, tatoué à l'ancienne avec des ancres sur les bras; il sort fumer à tout bout de champ. Sa blonde, volubile, une éclairagiste de Québec qui passera l'année sur le Plateau, me parle avec enthousiasme du film Le monde de Barney. Le musicien a lu les chroniques sportives de Mordecai Richler, grand fan du Canadien. J'aime l'écrivain Mordecai Richler. Arrive en trombe avec son trépied Lavoie, je pense, du Studio Sismique qui est juste à côté. Il vient glaner des ambiances, bouteille de Drambuis, table de billard, serveur tonitruant qui beugle la chanson Da Giovani... Il lève et descend sa caméra pour un montage en hommage à Bruno Fecteau, le pianiste décédé subitement le 8 janvier dernier. Il aurait eu 52 ans dimanche qui vient.

Fecteau : un « pilier » du Belley.

Condoléances à Paule-Andrée Cassidy.



Les gens de mon pays
Paroles et musique: Gilles Vigneault
Interprètes : Stéphane Côté et Paule-Andrée Cassidy
Musiciens : Alain Leblanc - Bruno Fecteau
Enregistré à L'Anglicane de Lévis - 4 décembre 2010
Montage : FJ Brouillette
www.ProductionsMB.com

2 commentaires:

Françoys a dit...

J'ai l'impression d'y être...
Merci Jack!

Anonyme a dit...

Genre de commentaire qui fait plaisir. Merci Françoys!