28 avril 2014

Georges-Emmanuel Clancier



Un superbe et délicat passeur « à refaire et sauver le monde » avec ses multiples centres, et surtout, quel porteur serein, contemporain, de mémoire essentielle comme un phare en haute mer! J'ignorais tout du chapitre de la revue clandestine Fontaine (1939-1947). Me suis demandé si Picasso n'y a pas puisé lui aussi quelques couleurs politiques célèbres. Merci, Jean Royer, de partager ce « beau vin clair de l'amitié ».



26 avril 2014

Mot pour Michel

C’est le Père Michel tout cru 
qui n’a jamais donné sa langue aux rats
cultivateur de solitude océanique 
non coupable des horreurs du monde
récidiviste traducteur artisan 
menuisier des mots bien dessinés
avec de l’humanité de la gueule
pour faire parler toutes ses bouches
assez séquoia pour se donner de l’avenir
pour nouer amitiés de langage
bon comme du bon pain qui chante
grand-père soleil
que je paraphraserai
avec de la phrase bleue
de gâteau de fête,
si seulement je savais la faire jolie et délicieuse
épandue égale tout du long!
poète-éponge
« qui se presse lui-même »,
qui a pour son dire
« une brassée d’images fragiles »
se sachant petit homme aux grandes oreilles
qui le soir venu dans son lit
tourne avec la terre
enfouisseur de la peur 

toujours fin fouineur
enfant insatiable de la couleur du pissenlit
de l’arbre, de l’être, de l’instant
du couchant à l’aube,
cette belle fille attirante
toujours flambante et neuve
qui n’a aucune morale à cirer,
buveur de café et mangeur de crème glacée
dont on sera privé au paradis
rayonnant de la joie de chaque jour,
car il faut bien savoir en effet
que chaque jour dans la vie est unique
cela échappe aux programmateurs
des « vraies affaires »
et à moi aussi la plupart du temps
à ce propos Michel brille comme un chartrand
comme le museau de la lune dans le tonneau de la mémoire vive
il prend le soin par un beau dimanche après-midi
de nous télécopier du désir de chien, de chat, de chevals amoureux,
de comédiens
loin des feuilles brunes de la grande plainte sifflante
de cette poétrie noire souffre-douleur si répandue
dans la tribu de l’abominable homme des neiges
mal pris dans son caca de taureau
et « l’obscénité du commentaire ému »,
qui veut donc encore aimer vivre encore
élève intelligent du plaisir galopant
de l’essentiel goût de vivre
avec sa voix somptueuse de poète québécois fraternel
et son marteau de philosophe nu de diplômes
c’est lui surtout,
je le dis sans prétention
je le dis en faisant exprès
pour le saisir moi-même
c’est lui transpercé aiguillonné de tous les livres lus
qui m’a le mieux fait entendre
la sautadite précision du poème,
cette sorte de folle liberté sauvageonne
qui de bonne heure
donne soif
envie de sabler polir
de clouer solidement les planches
de la belle ouvrage au collectif...
ô vertige!
je ne me relis pas
l’ampleur des dettes
est toujours plus vive
à mesure que l’on frotte
ses propres et bien humbles petites lunes
encore un paquet de clous à décrochir
au fond de la boîte aux lettres
si tant est qu’il s’agisse de viser
la place du cœur
en tâchant « sans se forcer »
d’être à la « hauteur de l’univers »,
c’est comme une récréation
je m’installe tout de go
dehors, à côté de l’érable
sur la grosse roche
je compte dans ma tête
les pas à franchir
pour aller décrocher quelques étoiles
comme on va aux framboises
Merci Michel Garneau!

25 avril 2014

Bain public

Noticias
Pour ceux et celles qui peuvent venir.  Le Théâtre pour le plaisir présente Bain public, une satire inspirée de la formule cabaret et campée en l'année charnière de 1986, mise en scène par Joanne Marcotte.

Deux représentations seulement. Salle Pierre Legault, 1 Chemin des Écoliers, Rosemère,
samedi 26 avril à 20 h, et dimanche 27 avril à 14 h.
Billets : 15 $.


Auto-photo : Chantal Godin. Distribution : Oliver Morin, Joanne Marcotte, Jacques Desmarais, Chantal Godin,
Marie-Claire Fachéna, Christian St-Hilaire, Claudia Ménard, Martin St-Hilaire.




À la fontaine


Hello! Le soleil brille, brille, brille... Mais arrête calvaire! Je n’en peux plus d’entendre tes ongles crisser le long du lavabo de ce pauvre petit matin sans importance... Tu vas me faire mourir dans les années cinquante! Dip p’tit lit doux! Mais qu’est-ce que ça donne tes courants d’air d'opium rare et tes chinoiseries de bébelles manuscrites? 

Ça donne peut-être du beau rouge vin de Picasso aux esquisses de citrouilles et de verges d’or pommées de neige gourmande... Ça donne que t’as envie d’être un homme libre à la belle étoile avec son alambic magique en dedans comme une gigue qui retondit du fond des âges. Ça donne que ton cœur chaud va peut-être exploser dans la minute qui suit sur un air de banjo et tu accosteras dans le beau fouillis de la bagosse aveugle vers la savane des jours de frimas. Ça donne que tu es fort comme un tambour, comme l’amadouvier soudé aux bouleaux blancs de l’espérance. Ça donne le doute. Un œil de renard. Des mots qui vont à la fontaine et qui te gigotent dans la gorge plus que les autres. Ça pousse comme le temps des cerises. Comme la passerelle du forgeron des livres dont la seule ennemie est la pluie, la rouille, le froid, la haine, la mort dans le regard...

24 avril 2014

Exil créole

C’est déjà arrivé ça, la rébette 
dans ton corps pleureur
qui brûle sur place

Tu chantais clair pourtant
dans le soir hérité de la genèse

Mais las du pur Delta de malade
no way absolu
ne plus supporter le silence
envoûté
dans les
champs,
les craques dans les mains
des ouvriers, la morsure du soleil
derrière la nuque,
la crise du paysage
déconcrissé

Et pas davantage
le gras disco de la ville

Tu vas faire quoi?

Cannes à sucre évanouies en tas parmi les punaises,
grands fouets tombés des waguines
sur le bord du chemin,
à Franklin...

Cela n'était plus la source
de belle noire auréole,
ta Louisiane échevelée

Les chiens hurlent à la lune
dans l'écho du bayou Teche,
la raffinerie fumera
toute la nuit
et pour toujours…

Vêtue de tes brillants assortis
avec tes Évangéline en papier,
tu sacres ton camp.
Loin! Entre deux chaises!

Mais les couchers de soleil, baptême!
Les magnolias en fleurs, les caméléons,
les écrevisses, les marécages luxuriants,
les aigrettes blanches qui se déposent
dans la solitude brouillée orange et rose,
un oeil tourné vers le golfe du Mexique!

C’est déjà arrivé ça
la rébette
dans ton corps
pleureur
qui brûle
sur place!

23 avril 2014

Ramifications

Passé la troisième courbe à South Roxton, les fourmis énervées dans les jambes, nous allions danser le ya ya et les Paul Jones au Pavillon du Détour. La terre rurale sous les ongles, la corne aux mains démodées, le temps fixe des récoltes et des grosses journées agricoles, rien n'empêcha les cheveux longs de pousser et les fleurs de l’amour dans les showers populaires, survie bohémienne, naissance amidonnée de la veine du plaisir en décapotable rock and roll sur le chemin du genou de la taille des beaux grands slows collés. C'était au fil des marguerites et de l’été si vif qui porte au fond la claque du printemps avec le goût soudain de décharger à tout venant cette éphémère abondance que l’on revoit hardiment fleurir aux branches nouvelles de ses enfants.

22 avril 2014

Flammèches

Le fameux joueur de guitare flamenco 
qui donne à penser
comme une étoile de cristal
est revenu au poste ce matin 
dans le corridor de la Place des Arts 

Génuflexion timide en passant.
lui ai refilé un huard
me suis arrêté plus loin, 
plus fort que moi, 
pour gribouiller 
quelque chose de dru, 
du sang de taureau,
du torrent entre les gencives,
faire peur au destin
que quelque chose arrive!
Ça ne se peut pas. 
Mais dans mon carnet
ce n’est que verdure qui coule 
en vers de lunes fraîches
dans le verdict du spontané, 
je me reprendrais bien 
avec un ouragan dans le corps
alors que les notes de cyprès
poussent la porte des rêves,
se réverbèrent en éclisses
depuis la murale de Frédéric Back
et jusqu’au disquaire Archambault…
Plac bloc plac plac bloc…
je m’en vais travailler 
dans les chiffres de Sa Majestée
avec un cœur saoulé au gypsy.

20 avril 2014

Urgence

J’ai souvent musé en pure perte de connaissance 
à la Eustache Deschamps
ne sachant pas pourquoi les majuscules mélancolieuses
sautaient comme des grenouilles
Au Cheval blanc, c’était après mon évasion,
on avait demandé à la fille qui pleure
Tu as mal au dos?
Est-ce que c’est la première fois?
Claudication intermittente
Assis toute la nuit sur une chaise drette
à côté de l’homme qui pue
qui dort avec sa tuque et son manteau
Veine fémorale bloquée à l’urgence
Au matin, j’ai pris ce qu’il me restait de jambe
Sur la rue Ontario,
les ouvriers faiseurs de richesses
traversaient le ventre de la ville congelée
Et pourtant la liberté de cracher le sursis
dans la neige piquante de janvier
Je commandai une rousse pour faire déjeuner la mémoire
Et puis par hasard l’ami rhéteur inconnu comme le soldat Max,
un berger de L’Ombilic, là au milieu de la place
avec un chandail rouge
déployait grappe de mots sur page blanche
Pour retondir, j’imagine.
Entre ratures et cicatrices.
«Pleurez pleurez fleurs de chevalerie ».

De par la rosée des charnelles

Les prophètes qui apostrophent à pleines pages ne manquent pas,
dit Edmond Jabès avec du sable autour de la bouche
dans le verbe secret et soupçonneux de sa demeure
qui n’est pas une sale affaire, 
Josué, Ésaïe, Jérimie,
Ezéquiel, Joël, Amos,
Jonas…
Mais en ce jour de fête,
où sont les Judith, Ruth et Néhémie?
Marie-Madeleine et son petit capuchon de laine?
La femme de Loth, Sarah
Et sa mère,
les sœurs
les filles et leurs entrailles?
Les Béguines avec leurs mouchoirs
qui chantent comme des troubadours ?
Pourquoi c’est faire
que Dieu ricane dans sa barbe,
dissimulé derrière un buisson
avec Maître Eckhart ?

18 avril 2014

Opération secrète numérisée

Autour de l'Opération Sweet Tooth de Ian McEwan. l'interview de l'écrivain anglais dans le Nouvel Obs cité par l'ami René Merle dans son blogue  vaut le détour. L'A a campé son roman en 1970, en ces années de « guerre froide culturelle » alors que la CIA finançait en secret la culture pour désaccorder les rouges. En 2014, drones solaires et révélations du sifleux Snowden aidant, la notion de « secret » a changé de paradigme : c'est la possibilité même de l'intimité qui est en cause. « Ce qui m'inquiète, dit McEwan, c'est la perspective d'un futur où plus personne n'aurait de secrets, où auraient disparu les notions mêmes de secret et d'intimité. Ces notions sont menacées car nous ne prenons plus le temps de la rêverie, de la méditation solitaire. Le moindre interstice de temps d'intimité est aussitôt rempli par l'univers numérique, qui trouve toujours de nouveaux moyens de nous tenter et de nous absorber, grâce à des technologies sans cesse perfectionnées, des machines qui véhiculent plus de données pour un poids inférieur. L'endroit où nous nous trouvons, comment nous dépensons notre argent, à qui nous parlons et ce que nous disons : autant de données qui sont désormais accessibles aux autorités. C'est l'idée même de vie privée qui est menacée. »



Quand l'ami US finançait...
rene.merle.charles.antonin.over-blog.com
Dans un entretien récent (15 mars 2014) consacré à la publication de son livre…

Soleil en sol

J'en appelle aux guitares espagnoles,
aux croûtes de peinture décrochées du soleil,
aux anges qui tremblent
comme feuilles de bouleau,
à la comédienne qui claque comme un drapeau.
Je suis pauvre poudrier, simple camaraman
S'il-vous-plaît, n'abandonnez pas votre ouvrage!

Microsillons


Le bonheur, un p'tit rien pantoute
Les deux pieds dans mon jardin,
J’ai la tête comme une cabane d’oiseaux
Ça entre
Ça sort...
Et pis rien d’autre!

13 avril 2014

Né rude

Il faut beaucoup d’esprit
pour faire une entrée en matière
l’inverse est tout aussi nécessaire
l’un dira aimer la pierre
le cœur le feu arrêté là
moi c’est l’oiseau fourmilier
qui picosse le bout de la nuit
pourtant si éphémère
celui qu’on ne voit pas
construire son nid
avoir des petits
et faire passer le jour surprenant
dans le menu grouillement
de sa faim millénaire.