Passages.
En train de lire Sur le jadis. On y trouve presque à chaque page des craques infigurables entre les planches oubliées du sous-venir. La station debout ne permet pas toujours l'immobilité. Ni de passer outre. C'est pourtant cet appel, plus fort que nous, qui siffle au loin comme vent gelé sur la colline. De la poussière de terrier jusque dans le rêve enfoui.
« La vie est une sortie. »
Rappel en plein front de la géante excavation de l'imaginaire par le petit bout de la lorgnette, page 222 :
« En février 1921, du château de Berg, Rilke écrit à Baltus : Toujours à minuit il se fait une fente minuscule entre le jour qui finit et celui qui commence. Une personne très adroite qui parviendrait à s'y glisser sortirait du temps et trouverait un royaume indépendant de tous les changements que nous subissons. À cet endroit sont amassées toutes les choses que nous avons perdues. Chat qui s'est enfui, poupées cassées, enfance... »
Rappel en plein cul de la vitalité indomptable, page 221 :
« Point pathogène partout sexuel.
Ce qu'on fait sort de ce qu'on est
Ce qu'on est sort du sexe d'une femme.
Ce qu'on vit sort de l'enfance.
Ce qu'on pense sort de la langue qu'on parle.
Ce qui désire sort de son vêtement ou de son fourreau. Toujours un terrier précède; ce qu'on nomme jadis dissimule la bête du présent comme un terrier s'invente dans le ventre des bêtes vivipares pour s'y dissimuler. La curiosité est conçue comme une sortie. La vie est une sortie. »
Pascal Quignard, Sur le jadis, Dernier royaume II, éditions Grasset & Fasquelle, Paris, 2002.