C'est quasiment trop.
Emporté encre, carnet, fromage, chaise de plage... Je croque en ce moment dans une duchesse sauvage tombée des vieux
pommiers, ancêtres de mon enfance. Aux basses fréquences, les grillons dissimulés ça et là sont
aux commandes de leurs amours et le soleil grivois est en train de mettre le feu dans
le tas de corneilles en cris au-dessus de ma tête.
Il fait beau! Je suis en culottes courtes, torse nu, bottes à vache qui me
collent au gras des jambes. Je me suis installé sur la butte près de la clôture de perches. Ce qui en
reste. Ce serait l'heure exquise de la sieste sous la houlette d’un petit vent un
tantinet mal élevé. Des moucherons têtus s'infiltrent sur la page de mon cahier. Fille de vieux bled, cette terre d’arrière-pays que j'aimerais décrire me
tient les fesses. Elle me les avalera bien un jour!
Comme une plage sans mer qu'on trouve au milieu d’une plaine piquée de
grosses roches grises, comment le mil a-t-il pu s’entêter à venir ici année
après année?
Dans le pacage fané, pilé, devant moi, il reste des piquants et des
croquants, des chardons, des pieds de moutarde, des craquias que les vaches ont
exclus de leur pizza.
C’est pourtant dans cette nudité que je me sépare de toutes ces années d’insolences où je n’ai pas dit un mot. Je suis en train de me réparer sous ce sauvageon couvert de verrues et de plumes. Je me libère la tête malgré les rafales de guêpes à demi somnolentes qui revolent, tâtonnent autour, flairent le sucre de mon cœur de pomme.
Et mon cœur à moi?
C’est pourtant dans cette nudité que je me sépare de toutes ces années d’insolences où je n’ai pas dit un mot. Je suis en train de me réparer sous ce sauvageon couvert de verrues et de plumes. Je me libère la tête malgré les rafales de guêpes à demi somnolentes qui revolent, tâtonnent autour, flairent le sucre de mon cœur de pomme.
Et mon cœur à moi?
Je suis comme Job, mais sans cornet, sans testament. Je suis assis dans le champ sur un tas de fantômes
labourés de part en part. Je me purge par la vermeille du jour bleu si délicieux... Cela me fait penser à
la lignée des Anciens.
Je retire mes bottes. J'enlève mes bas. Sommes-nous vraiment en octobre?
Avec tout cet or qui meurt en valsant, je pense... Je pense à la poésie, à cette bonne vieille chouenne de stridence
Nous sommes de nouveau en octobre et la poésie sur cette terre me brûle encore la langue
La poésie? Pourtant simple méditation traversée d’infini.
Puis, les idées se cassent comme les branches noires dans les boulots courbés devant l’horizon qui tire son monologue.
L’humilité est de mise
Je retire mes bottes. J'enlève mes bas. Sommes-nous vraiment en octobre?
Avec tout cet or qui meurt en valsant, je pense... Je pense à la poésie, à cette bonne vieille chouenne de stridence
Nous sommes de nouveau en octobre et la poésie sur cette terre me brûle encore la langue
La poésie? Pourtant simple méditation traversée d’infini.
Puis, les idées se cassent comme les branches noires dans les boulots courbés devant l’horizon qui tire son monologue.
L’humilité est de mise
L’hiver viendra après tout ce chahut. La rudesse.
Ton cœur fermé à double tour ma chérie?
J'entends retentir au loin des coups de fusil. Peuvent aussi bien perdre une balle jusqu’ici! Je ne bougerai pas! Je ne pénétrerai pas dans la sucrerie que je touche du regard. La sucrerie que j'aime.
C'est le temps de la chasse alors que je suis nu pieds au soleil! Je me parfume de la lumière des fougères.
Cette saison rouge qui gigote s'épaissit le sang en se dénudant, je ne saurais ni l'écrire, ni la chasser!
Ton cœur fermé à double tour ma chérie?
J'entends retentir au loin des coups de fusil. Peuvent aussi bien perdre une balle jusqu’ici! Je ne bougerai pas! Je ne pénétrerai pas dans la sucrerie que je touche du regard. La sucrerie que j'aime.
C'est le temps de la chasse alors que je suis nu pieds au soleil! Je me parfume de la lumière des fougères.
Cette saison rouge qui gigote s'épaissit le sang en se dénudant, je ne saurais ni l'écrire, ni la chasser!
Je me laisse éblouir par le luxe du panache sans nom, ce tambourin
invisible.
Car, il faut bien le dire, octobre est triste malgré sa splendeur.
La poésie est jeune malgré sa lenteur
Elle s’agrippe parfois aux cheveux. Ce qui en reste.
Je suis venu jusqu’ici avec mon instinct du dimanche parmi le peuple
des chevreuils à l'affût de la moindre araignée.
Mais ce pays en désordre ne tient à rien. Voilà la vérité. La toile de fond.
La débandade.
Selon toutes les apparences, la prairie pentue qui est devant moi s’éteint.
Elle est démaquillée, dépeignée, déconcrissée. Espèce de carte postale hors
champ qui saigne la dépossession dans les trous d’eau froide.
Elle sèche sa peau jaunie au soleil distant. Hors cadre. Elle expie sa bonté.
Rien ne servirait de trop l’aimer.
Cette prairie recompose pourtant à l’envers mes pas dérisoires.
Et quand on la regarde tranquillement
comme je le fais en ce moment,
avec un œil gourmand par en dessous,
on dirait un char féerique, un cheval de brousse
On dirait un poème qui résiste!
Même reléguée au pacage, la prairie sera là bien après moi.
Voilà ma pierre tombale.
Elle sera le déluge bouleversé par le retour des voyageurs ailés, par la semence des beaux jours parmi les brindilles de la profusion, par le secret des lièvres et le tambour des perdrix
Elle reconnaîtra les messages à coucher dehors que j'ai cachés jadis dans les tas de roches. Elle boira la liqueur magique que j'ai inventée avec mes yeux.
Mais l’ivresse qui s’évanouit dans la crainte du jour gris essoré donne tout autant à penser. Viendra une fois pour toutes une profonde récolte de marguerites avec des picots éparpillés entre les lignes de la main.... m'aimera, m'aimera pas, elle m'aimera et nous aurons quatorze enfants!
Mais l’ivresse qui s’évanouit dans la crainte du jour gris essoré donne tout autant à penser. Viendra une fois pour toutes une profonde récolte de marguerites avec des picots éparpillés entre les lignes de la main.... m'aimera, m'aimera pas, elle m'aimera et nous aurons quatorze enfants!
Viendra une sieste qui aura valu la peine
Rêver qu'il y a un balancier dans les os
Mon pays est cette prairie même qui se mouille d'étincelles dans les herbes finies avec des souvenirs irréversibles couverts de paille oubliée par le vent.
Il commence justement à faire cru tout à coup.
Derrière mon dos, une odeur de fer limé s'échappe du tapis de feuilles mortes.
À travers la ligne de la forêt,
le Nord craque sous la terre
et les chevreuils sont effarouchés
Les chasseurs et les grillons se sont tus.
Et moi, j’écris mon dernier mot qui n'est ni éclair, ni tonnerre, ni brasier.
Je referme mon cahier, je ramasse mon barda.
J'écris dans ma tête que je t’aime moi aussi.
J'écris : poésie du fond de mes jours, appelle-moi donc à l’amour!
(Version renouvelée d'un texte publié sur le Train en oct. 2007)