Quantité de programmes de surveillance parmi les plus invasifs de votre vie privée sont gérés par des partenaires des Five Eyes. Par exemple vos transactions bancaires par Internet, vos discussions sur Skype et, oui !, votre belle page FaceBook.
Quant au Canada, c’est un participant aussi secret que les autres et aussi invasif de la vie privée de sa population. Il est vu comme un partenaire très actif de la NSA et un des plus convaincu protagoniste de cette surveillance. Lors de la Conférence SigDev de 2012, le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada (SCTC) se vanta d’avoir ciblé le ministère brésilien des Mines et de l’Énergie, département qui réglemente une industrie du plus haut intérêt pour les entreprises canadiennes : tout démontre une vaste coopération avec la NSA, y compris les efforts du Canada destinés à monter des relais d’espionnage pour la surveillance des communications dans le monde entier et l’espionnage de partenaires commerciaux ciblés par l’agence états-unienne.
Vignette : Top Secret // Si/REL, USA, FVEY
Agence nationale de sécurité/Service central de sécurité
3 avril 2013
Document d’information
Sujet : (w/FOUO) Relations de la NSA dans le domaine du renseignement avec le Centre de la Sécurité des Télécommunications du Canada (CSEC)
(U) Ce que la NSA fournit en partenaire (S/Si/Rel, A USA, CAN) SIGNINT : la NSA et le CSE coopèrent dans le ciblage d’approximativement vingt pays de haute priorité. La NSA partage des évolutions technologiques, des capacités de cryptologie, des logiciels et ressources pour une collecte de pointe, des moyens de traitement et d’analyse et des capacités en architecture informatique. L’échange de renseignements avec le CSEC couvre des cibles mondiales, nationales et internationales. Aucun financement du Programme Consolidé de Cryptologie (CCP) n’est alloué au CSEC, mais la NSA couvre parfois les coûts en R&D et de technologie sur des projets communs avec le CSEC
(U) Ce que le partenaire fournit à la NSA : (S/SI/REL A USA, CAN) Le CSEC offre des ressources de collecte avancées, de traitement et d’analyse et a ouvert des sites secrets à la demande de la NSA. LE CSEC partage avec la NSA un accès géographique unique à des zones inaccessibles aux États-Unis et fournit des produits de cryptographie, de crypto-analyse, de haute technologie et des logiciels. LE CSEC a renforcé ses investissements dans des projets de R& D d’intérêts mutuels.
(Source : Glenn Greenwald, Nulle part où se cacher, JCLattès)
Au sein des «Cinq yeux», les relations sont si étroites que les gouvernements membres placent les souhaits de la NSA au-dessus du respect de la vie privée de leurs propres citoyens. C’est le cas du Canada.
À tel point qu’à la fin de 2013, Richard Mosley, un juge à la cour fédérale canadienne a dénoncé le CSIS pour avoir sous-traité sa surveillance de Canadiens à des pays partenaires du «Five Eyes». Une décision de 51 pages affirme que le CSIS et d’autres agences canadiennes ont posé des gestes illégaux en faisant espionner la population canadienne sans avoir l’autorisation des tribunaux et même d’avoir caché des renseignements aux tribunaux.
Comment affirmer que tout ceci est vrai, surtout que les politiciens canadiens de tous bords et tous côtés minimisent la situation. Quant aux politiciens québécois, ils n’existent pas sur le radar et se font espionner comme tout l’monde. Peut-être que Philippe Couillard connaît quelques éléments de ce complot, puisqu’il a siégé de juin 2010 au 1er octobre 2012 au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité CSARS fédéral.
Voici donc comment nous savons que cette attaque à la démocratie est réelle. Laura Poitras, cinéaste-documentariste et journaliste, fut la première personne à qui l’alerteur états-unien Edward Snowden a fait confiance lorsqu’il a voulu faire connaître aux populations du monde entier, les programmes de surveillance de leur vie privée et le niveau de performance de ces programmes.
En janvier 2013, Laura Poitras a reçu un drôle de courriel d'un étranger anonyme lui demandant son code d'encryptage de courriel sécurisé. Depuis près de deux ans, Poitras travaillait à un film documentaire à propos de la surveillance de la vie privée des populations par les gouvernements, et elle recevait occasionnellement des requêtes d'étrangers.
Elle lui répondit et donna son code public permettant de lui envoyer un courriel encrypté qu'elle seule pourrait ouvrir, sans s'attendre à grand chose...
L'étranger répondit en donnant des instructions pour créer un système d'échange encore plus sécurisé. Promettant des informations névralgiques, il suggéra à Poitras de choisir une longue phrase en tant que mot de passe qui pourrait résister à une attaque brutale par un réseau d'ordinateurs. « Imagine que ton adversaire a la capacité de tester des trillions de mots de passe à la seconde », lui écrit-il.
Ce ne fut pas long que Poitras reçut un message encrypté présentant le contour de plusieurs programmes de surveillance opérés par le gouvernement états-unien. Elle avait entendu parler d'un seul de ces programmes, mais pas des autres. Après lui avoir décrit chacun des programmes, l'étranger écrivit plusieurs versions de la phrase, "Je peux prouver ceci ".
Quelques secondes après qu'elle eut décrypté et lu le courriel, Poitras a débranché son ordinateur de l'Internet. "J'ai pensé, bon, si tout cela est vrai, ma vie vient de changer », se dit-elle.
« Ce qu'il disait connaître et pouvoir fournir, c'était époustouflant. Je savais dès lors que je devais tout changer ». Poitras demeura circonspecte au sujet de l’identité de l'inconnu avec qui elle communiquait. Elle s'inquiétait spécialement qu'un agent du gouvernement soit peut-être en train de la manipuler pour qu'elle dévoile de l'information provenant des personnes qu'elle avait interviewées pour son documentaire, dont Julian Assange, l'éditeur de WikiLeaks. « J'ai téléphoné à mon inconnu », se rappelle Poitras. « Je lui ai dit : ou tu as vraiment cette information et tu prends un gros risque, ou tu essaies de me piéger et les gens que je connais, ou tu es fou. »
Les réponses étaient rassurantes, mais pas définitives. Poitras ne connaissait pas le nom de son étranger, son sexe, son âge ni même son employeur (
C.I.A?
N.S.A. ?
Pentagone ?).
Au début de juin 2013, elle obtint finalement des réponses. Avec son partenaire de reportage, Glenn Greenwald, un ex-avocat et chroniqueur pour le journal The Guardian d'Angleterre, Poitras s'envola pour Hong Kong et rencontra le sous-traitant de la N.S.A. Edward J. Snowden, qui leur remit des milliers de documents classifiés par le gouvernement états-unien, lançant une controverse majeure à propos de l'étendue et de la légalité de la surveillance gouvernementale.
Poitras avait eu raison après tout, sa vie ne serait plus jamais pareille. La nôtre non plus.
Par André Bouthillier, à partir du livre Nulle part où se cacher de Glenn Greenwald, de textes de Peter Mass du New York Times et des recherches de JosPublic sur MétéoPolitique.com