30 décembre 2006

Sur la Pistre de la beauté du monde



Cette année encore, l'ami Gil Pressnitzer (voir le lien Nomades dans mes favoris ci-contre) de Toulouse, la plus rose des villes de France, fait suivre ses voeux du nouvel an.

Et encore cette année, je ne résiste pas à relayer son message qui, comme c'est l'habitude, commence par une citation. Il a choisi ici de faire entendre la voix du poète roumain Ilarie Voronca.

En le lisant, on pense à la chanson interprétée par la Dufresne, L'hymne à la beauté du monde...
« RIEN n'obscurcira la beauté de ce monde.
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
[Peut] enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
L'amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n'obscurcira la beauté de ce monde»

L'envoi de Gil inclut aussi la photo d'une toile de Marcel Pistre qui date de 1974.

«Bonne année donc dans la beauté du monde», écrit-il.

Merci, Gil, de tenir si haut le flambeau.

Bonne année!

28 décembre 2006

Tu parles d'un Nadon!


Hé! Titi!  Que c'est plaisant de se faire un copain inattendu, coloré, sympatique, célèbre,  surtout quand on rentre du travail dans un restant de vendredi soir frisquet et qu'on ne s'attend à rien de lumineux. 

Crédit photo Jean-Marc Beaudoin (2005), avec son aimable autorisation.
En gagnant la sortie du métro Honoré-Beaugrand, c'est arrivé comme cela : de dos, je l'avais à moitié deviné sous son long manteau de drap gris et sa tuque bleu mauve enfoncée jusqu'aux oreilles. En le dépassant très doucement, il a levé un peu le nez et j'ai dit en lui tendant la main : « Mais c'est le Roi! » 

Manifestement heureux que je l'apostrophe, il a répondu : « Bah! Je marche comme tout le monde... »

On s'est ramassé dans l'entrée du métro, pour ne pas dire le tambour du métro. Où donc aller quand on a devant soi le Roi du drum en personne? 

On a piqué une jase un bon 20 minutes de temps. On a souvent changé de sujets! À un moment donné, nous sommes devenus copains. Guy Nadon m'a parlé de ses projets : « Je vais avoir 73 ans bientôt et je ne lâche pas! » C'est un batteur batailleur, le Tit-Guy Nadon. Il a des idées plein la batterie, des projets d'écriture, entre autres, pour rapailler ses souvenirs d'artiste, sa vie de gars de club, de bavarois, de big band. Il ne cesse pas de répéter à tout bout champ : « Ma vie, c'est la musique. » 

Je lui dis que j'ai souvent été l'entendre dans les années 1990 au Central de la rue Saint-Denis, en haut, dans le grenier...

Comme un vrai copain, il me confiera à mots couverts ses déboires amoureux. « Duke Ellington a eu plusieurs maîtresses dans sa vie, mais la seule qui a compté, c'est la musique », lance-t-il pour clore sans appel ce sujet.

Le Roi du drum roule encore avec un coeur qui fait boum boum. Malgré tout.

J'ai promis d'aller le voir s'il passait quelque part. « On va se revoir », m'a-t-il dit, je reste dans le coin. Il loge à l'apt. 318 sur Beaubien. C'est marqué sur son site où l'on trouve des extraits vidéo. 

À l'époque de Train de nuit à Radio Centre-Ville, j'ai fait tourner plus d'une fois la pièce Sheik of Araby que j'aime bien, parue sur le disque La pollution des sons.



Quelle belle et joyeuse rencontre!

Je souhaite sincèrement que le Roi du drum reçoive de bonnes nouvelles de ses mécènes pour la suite de son règne.

21 décembre 2006

Câlins, bisous... Joyeux Noël!



Je sais, cette vidéo a été vue des centaines de fois et elle est bloguée ici et là. Puis, je sais, le phénomène a entraîné une épidémie de quêtes de câlins gratuits partout sur la planète. Je sais. Néanmoins, j'aime cette vidéo. Cette petite histoire vraie d'un freak (et de son fidèle caméraman, le gars des vues...) cadre bien avec l'Avent. On souhaiterait tellement que le monde soit différent de ce qu'il est! Imagine all the people... Joyeux Noël à tous!
Et comme le chante Yvon Deschamps : «Aimons-nous quand même!»

19 décembre 2006

Sur les chemins de l'amitié




En conclusion de mon travail à Jean-François Malherbe, j'ai écrit que la surprenance renvoie à l’apprivoisement de la distance et de l’invisible. L’expérience de l’amitié est parlante à cet égard : passerelles jetées vers l’autre, cet inconnu habité par toutes «ses petites morts successives», mais aussi par la continuité de son «regard bienveillant», promenades incertaines qui laissent des traces à l’ombre du doute dans les sillons les plus lumineux de notre rapport à la spiritualité.

Sur ce thème très riche (...) je propose un extrait de l’Amitié de Blanchot. La sévérité joyeuse à l’oeuvre ici me semble jouer comme un accompagnement, comme un accord majeur en rappel de ce qui nous fut livré dans ce cours. Maurice Blanchot :

«Nous devons renoncer à connaître ceux à qui nous lie quelque chose d'essentiel. Je veux dire, nous devons les accueillir dans le rapport avec l'inconnu où ils nous accueillent, nous aussi, dans notre éloignement. L'amitié, ce rapport sans dépendance, sans épisode et où entre cependant toute la simplicité de la vie, passe par la reconnaissance de l'étrangeté commune qui ne nous permet pas de parler de nos amis mais seulement de leur parler, non d'en faire un thème de conversations, mais le mouvement de l'entente où, nous parlant, ils réservent, même dans la plus grande familiarité, la distance infinie, cette séparation fondamentale à partir de laquelle ce qui sépare devient rapport. Ici, la discrétion n'est pas dans le simple refus de faire état de confidences - comme il serait grossier même d'y songer, mais elle est l'intervalle, le pur intervalle, qui, de moi à cet autrui qu'est un ami, mesure tout ce qu'il y a entre nous : l'interruption d'être qui ne m'autorise jamais à disposer de lui, ni de mon savoir de lui, fût-ce pour le louer, et qui, loin d'empêcher toute communication, nous rapporte l'un à l'autre dans la différence et parfois le silence de la parole.»


Photo de Blanchot

17 décembre 2006

Il se fait tard





Marcher très tard dans le bois pour chercher mon sauvageon,
l'exiler en ville,
le décorer

pour que ça sente bon
pour les étoiles dans les yeux des enfants

Pas pour l'envoyer à la Cour de France
Pas pour envoyer paître les bêtes
dans les marais de La Marque

Desmarais, Desmarêves
tu débarques là!

Marcher dans le bois
tourner en rond
frapper à la porte des sauvageons

Trouver mon compagnon
le couper à la hache
comme le ferait un castor

Il se fait tard...
c'est gris noir
mais celui-ci est trop petit,
l'autre trop gros,
pas assez de plumes
bien trop beau!
Je tourne en rond!
Celui-là est mieux, me semble,
mais j'étais où déjà?

Comment y faisait mon père pour se décider?

J'ai au moins un millier de sapins verts sur ma terre
qu'on appelle aussi chiendent des forêts

Les sauvageons sont lettes pour la ville, hein?

Couper à la hache le roi des forêts,
c'est fait, l'offrande...
Je le traîne par le collet entre chien et loup,
je lui dis merci de mourir pour moi,
je vous en prie, je ne suis pas un bon chasseur

Il me gomme les doigts ce baumier
translucide unique au monde, il pleure
Ils ne l'ont pas à Fretin menu clin d'oeil
et nous, nous n'avons plus de manteau blanc
Au village, ils ont fermé l'école
vendu l'église, il se fait tard
reste quasiment plus de bleu





Qui est-ce qui lâche un wak
dans le bois à cinq heure du soir,
un 16 décembre 2006,
parmi les saxos disco des canards dézippés dans le ciel de bronze et de cendre
et pas une graine de neige bouillante sur le sol?

Une dinde sauvage qui fait des farces?

Vu des ossements de chevreuil éparpillés
sous les pruches surréalistes
et parmi les souches bouleversées des épinettes

L'ombre m'éclaire
je connais mon chemin,
les roches, les buttes, les fossés, les craquelins, les marécages, les clôtures

Mon instinct de poche

Mon oeuf est tombé près de la grenouillère
les vieux érables me reconnaissent

Marcher trad. dans le bois
Pour trouver mon sauvageon

Pas pour l'envoyer à la Cour de France
Pas pour envoyer paître les Baillis mouchards
dans les marais de Béthanie

Si j'étais Ambrose La Pétrole
je m'embraserais pour Charles Darwin

Desmarais, Desmarêves
tu débarques


Marcher très tard dans le bois
Tourner en rond
pas une graine de neige
Les canards au-dessus de moi
ils s'en vont ou bien s'en reviennent?


Sauvageon accoté dans le coin du salon, exilé comme moi en attendant les lumières et les petits glaçons.

13 décembre 2006

Dans la slameur des grands froids, mon Réal!

Bon, qu'est-ce qu'il se passe avec Slamonréal?

Il se trouve beaucoup de visiteurs sur Train de nuit qui viennent consulter les textes en archives consacrés au Slam. Et puis, j'ai toujours en réserve un texte théorique bien fait que m'a envoyé fin novembre Yvy, l'âme du slam à Montréal. Je le publie donc enfin et je signale que suite aux réchauffements de l'automne, la ligue de slam poésie Québec cassera la glace, oui, à la mi-janvier!!!

Le 15 janvier, au fait :

SOIRÉE DE SLAM POÉSIE DU GROUPE SLAMONTRÉAL DANS LE CADRE DE LA LiSPoQ
Au Patro Vys,356 Mont-RoyalEst 20h30. Entrée 5 $



«Début officiel des soirées dans le cadre de la ligue de slam poésie du Québec.
Soirée « classique » avec jury du public, pointage et mélange de performeurs : poètes, slameurs, rappeurs. Chaque participant a 3 min max sans accessoire. Le/la gagnant(e) s'assure une place dans les semi-finales.», peut-on lire sur le site de Yvy.

Et maintenant, le texte.

Slameurs et poètes

Par Ivy

©19/11/2006

Il y a les soirées de SLAM qui sont en fait une forme de soirée et dans laquelle poètes, performeurs et slameurs se confondent dans une conviviale compétition.

Mais il y a aussi la SLAM[1] faite par des slameurs dont l’intérêt dans le texte est de GLISSER. Leurs textes sont destinés à être entendus[2].

Lu, le glissement se perd par la rapidité de la lecture ; c’est que le sens oral, si fondamental à l’effet du glissement, en a été éradiqué - je signale en passant que la seconde composante essentielle d’un acte d’oralité est le public qui amplifie l’effet du glissement. Communiqué par l’oralité, le glissement, qu’il soit bien fait ou non, suscite qq chose (certains poètes en éprouvent une rage réelle. Je l’ai vu de mes yeux vu !). Chez les non-praticiens du poème, c’est plutôt le contraire. Quand un slameur glisse, une sorte d’onde se propage[3] Les jeux de mots se développent et débordent le cadre de la littérature écrite. Ça devient une performance, un exploit sportif, ça suscite l’étonnement et la joie communicatrice. C’est un RAVE de mots : le fait de prendre conscience du glissement du sens et de se laisser glisser avec le performeur suscite un enthousiasme fou. À ce sujet, il est révélateur de souligner que pour Paul Valéry, « l’enthousiasme n’est pas un état d’écrivain ». Et il a raison. L’enthousiasme est l’état de la poésie[4] (et non du poème qui appartient à la littérature écrite), et donc à la portée de tous. Tous ceux qui ressentent ce que glisser veut dire – le banal[5] glissement de sens comme dans les jeux de mots – se sentent tout à coup solidaires du slameur. On glisse d’une réalité à l’autre. Métalepse Genettienne, transgression de la convention littéraire de la narration, l’audible (qui désacralise le silence) trompe l’indicible (propre au sacré) différé de la lecture et de l’écriture. Le glissement oral actualise le réel en passant d’une porte (sémantique) à l’autre. Un RAVE.

Autre métaphore explicative : le slameur lance des cailloux à la surface de l’eau pour les faire rebondir. Dans mon texte sur les notes de la gamme[6], j’arrive à faire 3 rebonds : « Facile de croire qu’on est SOLidaires quand on est LA SI Docile ». À chaque fois, la foule réagit. Quand j’écris un poème[7], le rebond n’est pas mon objectif : c’est le caillou qui m’intéresse. Et souvent le poète, au lieu de passer le caillou, le contemple, le frotte sur ses lèvres ou ailleurs[8] et finalement fait quoi de la pierre ? Chaque poète répondra différemment à ce sujet.

L’idée à retenir c’est que l’acte du poète est différent et son but aussi, mais que chacun contribue à l’augmentation de l’ÉTAT POÉTIQUE PARTAGÉ PAR TOUS – cette liberté totale de débusquer le sens. La différence s’établit aussi dans l’intention : slamer la poésie, c’est un acte quasiment collectif. C’est un happening et il appartient à l’oralité. Lu, l’effet qu’il produit est amoindri – demander ce que les poètes pensent des textes de Grand Corps Malade. C’est un acte social et engageant.

La poésie écrite, mais même verbalisée, oralisée, parle avant tout du JE. C’est un acte solitaire (souvent trahi par les maladresses des praticiens du poème à l’interpréter). Les poètes des 25 dernières années ont travaillé au recul de la poésie en favorisant son cloisonnement (même si de pieuses manifestations de lecture de poésie font croire le contraire). Je ne dis pas que les poètes sont des parias : je dis que le courant qui a prévalu chez les fabricants, éditeurs et autres spécialistes du poème (et qui perdra fatalement du terrain devant la revanche annoncée de l’oralité poétique[9]), s’il n’est pas le seul coupable du recul de la poésie « à la table des enjeux de l’heure[10] », a contribué à retirer sa libre activité et son influence dans la société en général. Les soirées de poésie attirent difficilement le grand public alors que c’est justement lui qui a besoin de se faire rappeler qu’il possède la merveilleuse faculté de débusquer le sens. Et d’en faire. Et d’opposer à ceux qui décident et qui nomment à sa place, sa propre configuration du monde. Un vrai partage du sens.

Ce qui m’intéresse, c’est la poésie au cœur du monde. Ce sont les vœux de Lautréamont et de Rimbaud, celui de tant de poètes dont Whitman et combien d’autre que la poésie prenne sa place comme élément moteur.

«Si Platon, qui était encore conscient du pouvoir originel de la poésie et se rendait compte du danger que représentait pour la structure de la république le libre jeu de son énergie, adoptait la solution franche de tout simplement bannir les poètes de la cité, les sociétés modernes ont inventé des méthodes beaucoup plus subtiles et tout compte fait plus efficaces. Elles ont […] intégrer le poète à la société au titre de « cas spécial », et la poésie à l'idéologie de cette société. La façon dont, à quelques exceptions près, la poésie est « enseignée » dans les écoles, la façon dont elle est ensevelie dans les universités, la manière enfin dont elle est caricaturée partout attestent suffisamment le succès de cette annihilation bienveillante. Si vous ajoutez à l'escamotage quasi systématique de la poésie le fait que vivre poétiquement, ce qui ne veut pas dire en « artiste bohème », est dans l'état actuel des choses extrêmement difficile, et que peu sont tentés par de telles difficultés, personne ne s'étonnera de constater que la poésie n'est pas un élément moteur de notre monde et qu'elle est socialement, culturellement inopérante.

Et pourtant élément moteur et force essentielle, voilà bien ce qu'est la poésie.»

La figure du dehors, Grasset, p. 46-47.



[1] En France, on dit le SLAM. Comme québécois qui féminise souvent les termes anglais (une job vs un job), la SLAM est féminin (et je trouve ça bien que connote LA poésie (féminin) plutôt que le poème (masculin). La dichotomie que je propose est fondamentale.

[2] Ferré (encore lui, eh oui) : « Toute poésie (il a dit poésie et non poème… d’où sa méprise) destinée à n’e^tre que lue n’est pas finie. Elle ne prend son sexe qu’avec les cordes vocales tout comme le violon prend le sien dans l’archet qui le touche. »

[3] Dans un cabinet de médecin, le patient le traite d’espèce d’Hippocrate (Frédérique Marleau).

[4] La poésie, c’est la liberté totale de l’individu de faire sens. C’est un état d’être qui appréhende la réalité dans son ensemble, ici et maintenant. C’est typiquement humain. C’est l’étonnement, la surprise, le glissement du sens qui révèle un pan de réel rester cacher.

[5] Banal veut dire qui appartient à la communauté.

[6] Intitulé « Réchauffement »

[7] J’ai publié un recueil de poèmes (où, j’espère, il y a un peu de poésie…) dans la plus pure veine de la poésie québécoise en 2004 intitulé « Les corps carillonnent » (Noroît, c’est pas peu dire).

[8] Je vous laisse imaginer où.

[9] Et dont le SLAM est un aspect des plus rassembleurs.

[10] Extrait d’une conférence prononcé il y a 10 ans à l’Université Laval, organisée par le CEULA.

11 décembre 2006

Grosse perte pour la CIA











Il y a le bon ami Henry, l'ombre de l'aigle, la griffe du pouvoir, la tarte aux pommes américaine.

Il y a les irréductibles soldats de la doctrine. Il en faut dans les tranchées du mal, surtout si le mal est rouge.

Croyez-vous que de sa retraite dorée le brillant Henry ira verser une larme de crocodile sur la pourriture du soldat disparu?

10 décembre 2006

Un Christ de blues de Noël Favreau.

Bon. D'accord. Suis passé à la Régie cet après-midi. C'est parti! Je m'y suis repris par deux fois tant il y avait du monde, des charriots pleins, des caisses sur les épaules, le champagne, envoye donc! Nowell coule à flots à Grand Goulot. C'était paqueté pour se paqueter. À l'horizon, quelques verres dans le nez car il est nez le divine enfant, jouez au bois, tit-enfant pas de bras.

Bon ben, d'accord, je n'ai pas fait d'arbre de Noël, pas acheté un seul cadeau, je suis dans mes travaux de fin de session et j'en ai marre de la mascarade! Au fait, qu'est-ce qu'il se passe? Je n'ai pas encore entendu ni Ginette Reno ni Michèle Richard bleugler en faisant mon épicerie.

Alors, c'est moi qui monte sur le stage des néo qui ne fittent nulle part ni même ailleurs. Et je sévis. Avec un blues.

C'est moi, au centre, qui chauffe l'harmonica la mitraille.

Photo : Réjean Langevin

J'espère que mon petit cousin Noël ne m'en voudra pas d'utiliser son nom. J'espère que mes camarades musiciens, Pierre, René et Jean... ne m'en voudront pas d'écourter le générique.

Et j'espère finir mon travail sans devoir appeler Nez Rouge!

Enfin,j'espère sincèrement que la nativité vous tirera quelques vers du nez. Des billots de douze pieds, c'est Ti-Paul qui est arrivé. On n'a pas fini de draver.


Tant qu'il y aura des barreaux de chaise pour nous retenir, jamais nous ne casserons la poésie de bon vin rouge.

Bon Nowell tout de suite au cas où je ne sortirais pas vivant d'ici le 25 de l'uni-vers cité pointue.

09 décembre 2006

Prolongation

Je suis un gardien de nuit à la place de Wouf! Wouf! Ça fait deux mois déjà.

Je fais ma ronde, et dehors, en face de la shop, il y a la patinoire Hochelaga. Des cris, des crachats, des coups de lames sur la gorge du froid, des oreilles rouges, des imbéciles, des amoureux, des petits culs de broche à foin, je suis à l’affût de tout. Je les attends avec mes longs couteaux, mes coups de savate. Même si je ne sais rien faire de tout ça.

Je me fais des accroire, je délire un peu parce qu’il n’y a rien qui bouge ici... La lune reluit sur la glace et je m’enfonce encore une fois dans mes pensées, dans mes souvenirs de grands soirs. Au Forum.

J’adorais aller au Forum.

Assis au vieux Forum devant une colonne avec mon adolescence qui trotte en dedans de moi comme une fête. Une fois, j’avais emprunté pour la fin de semaine une trompette à l'Harmonie du Sacré-Coeur. Je ne l’avais pas dit au Frère Savaria, mais c’était pour la partie du samedi soir que j’irais voir avec mes frères. Montréal-Chigago. Hull-Ferguson. Je ne savais pas jouer de la trompette! Mais entrer au Forum, avec une trompette! C’est la gloire assurée! La foule, comme une charge de cheval, me réclama un tonitruant ta ta tan taTam! Ta ta Tan TaTam!



Je suis venu à bout de faire sortir comme une grosse envie un petit canard un peu crampette.

Ah! La bonne face de singe de Norm Worsley.

Vlà que j’ai changé de poil. Je ne trotte plus, je me frotte. Asteure, je suis un poilu plein de patches qui fume et qui danse au centre de la patinoire. Avec 15 000 personnes. Des militants. Le monde ne sait pas de loin si je suis un gars ou une fille, si je m'en vais ou si je m'en viens. Pauline Julien est la reine sur la scène du Forum en liesse. On ne fête rien de spécial. C’est un rassemblement pour l’indépendance! Elle chante La danse à St-Dilon. Ça saute. Tout est ouvert. Tout est permis par un soir de fièvre où l'on est bien. J’ai changé de poil comme un lièvre au printemps de 1973.

Mais une autre fois encore avant, nous revenions en char du Forum dans les bordées du Canton d'Ely alors que la radio passait le Neger Black d’Yvon Deschamps. Rire! Plié! Rire à 13 ans du bonheur gratis, de l'absurdité, de la chaise berceuse, des gros bras de moman, de pépère qui pue, des unions qu’ossa donne...



Photo : Yvon Deschamps, Pauline Julien, Georges d'Or.

Je pouvais japper franc dans la misère des bancs de neige de ma campagne alcoolique. Il se trouvait quelque part en ville un univers semblable au mien mais que je ne pouvais pas partager.

Je m'ennuie du rire seul de mes 13 ans avec la cigarette au bec. P’tit Christ!

Bon, je reviens. Je jette un dernier coup d’oeil à la patinoire d’en face qui est toujours allumée par le désir, on pourrait dire.

Je ferai ma ronde de long en large et je japperai dans les coins sombres comme il se doit. Comme il se doit. Sinon, Wouf! Wouf! ne sera pas content de moi. Va me flusher par la toilette. Il va me crier : «R'tourne toé s'en à Waterloo dans tes champignons magiques!»

Il n’aime pas que je lise pendant mon quart. Je lis quand même. Il me suspecte. Il est ignorant, mais il est ouaise.

Je m'ennuie quand même des Canadiens et de mes bagarres rangées d’autrefois! Ferguson-Eddie Shack! Ce n’était pas des petits bonhommes de jeux vidéo!

Je m’ennuie des arbitres pourris avec leur crâne de rat!

Mon existence est plate aujourd’hui. Le hockey, c’est nono. La grosse Mol est flatte. Où est l’effervescence des comiques? Tous sauf six en bas de la ceinture.

Où est passée la fête politique?

Je suis le gardien de nuit en rodage. Je suis à l’affût de tout avec mes grands couteaux. La shop est morte. J’attends. Je veille et je vieillis. Je sais que ce n’est pas la même chose.

Je pogne un poste de radio assez bon. Tout à l’heure, il y a eu cette chanson qui m’a saisi. Je ne me souviens plus des mots au juste. Ça disait :

«Reprochez-moi d'être embourbé dans l'espérance»

Puis une autre chanson du même type à la voix haute a suivi. Je le dis de mémoire :

«Nous sommes quelques-uns. Nous tenons le fanal allumé.»

05 décembre 2006

Nouveau musée virtuel à Montréal

Parmi mes amis que j'aime tant, Marc-André Delorme, alias Marco, alias Marcus Well Be, alias Petit, alias Monsieur Delorme, est sans contredit l'un des plus persistant.

Un jour, son destin l'a amené au Brésil. Il y eut d'abord un goût de sucre dans l'air, puis le goût des mots qui chantent dans la bouche des gens. Il devint amoureux du pays. En bambochant et zigzaguant dans les rues de São Paulo, il devint un amoureux encore plus amoureux à cause d'une très belle (et si gentille) Gaby qu'il ramena un bon jour à Montréal sous la samba gelée du Grésil québécois.

L'étudiant en histoire, on peut le supposer, ramena peut-être dans son inconscient le germe de sa petite idée d'une idée qui a pignon sur rue à São Paulo depuis 1991 : un musée virtuel. Que c'est? Un musée qui laisse émerger la vie «ordinaire» des gens et qui se trouve sur la Toile, à deux clic de souris.

Autour de 2004, Jean-François Leclerc, Directeur du Centre d'histoire de Montréal, prend très au sérieux cette idée au point de l'inscrire sur sa planche à dessin. Il est donc heureux que Marc ait pu faire partie de l'équipe qui a tiré le projet jusqu'au fil d'arrivée. Le site du Musée de la Personne vient tout juste, en effet, d'être inauguré le 22 novembre dernier.

Sauf erreur, Montréal reçoit ainsi le tout premier musée virtuel au Canada.

Son objectif est de sensibiliser le public à l'histoire orale, aux récits de vie, à la valeur des archives. Il veut «Encourager les individus et les communautés à devenir des acteurs de l'histoire.» Le Musée propose des activités de collecte de mémoire, des formations, des ateliers et un encadrement pour les projets des gens, des groupes de citoyens, etc. On trouve sur le site des exemples de projets déjà complétés et ainsi «exposés» à l'aide de documents vidéo, photos, etc.

Marc-André est Directeur du projet.








Mentionnons de plus que Montréal accueillera au printemps 2007 une conférence internationale des Musées de la personne.

On va suivre cela avec le plus grand des intérêts.

Félicitations, Petit!


Crédit photo de Marc : Gabriela.

04 décembre 2006

Wajdi Mouawad ou l'ancre de la poésie





Je ne sais pas si c'est parce que j'avais oublié de prendre mon lithium, mais la pièce Incendies que j'ai vue samedi soir et qui en était à sa dernière représentation au Théâtre du Nouveau Monde, est bien ce chef-d'œuvre remuant, extrêmement émouvant qui voyage dans plusieurs pays depuis 2003.


L'amie Nina qui l'a vue trois fois m'avait bien prévenu que je serais remué. Remué? Remué, chamboulé, labouré, séduit, étonné, dévisagé, dérangé, amusé, atterré... Pris d'une tristesse... Je ne saurais dire pourquoi dès l'entrée en scène de la jeune Nawal, c'est venu par grandes vagues successives.

Je ne suis pas si familier que cela avec le sel de la mer dans les yeux.

Nos coeurs secs sont pourtant habitués, eux, à gober entre deux indices du Dow Jones les images crues, live, en direct, ration quotidienne de la guerre. Le carnage siffle dans nos oreilles à tous les jours. C'est marqué sur le journal, comme dirait Pauline Julien que j'aimais tant.

Le tour de force du brillant et sensible Wajdi, c'est de frapper avec les mots de la douleur incommensurable de ce monde. Bien sûr que l'argument dépasse le Liban à nouveau ensanglanté. L'auteur fait dire à Nawal la battante : il faut toujours se tenir la tête dans les étoiles. C'est alors certes une politique de la poésie dont il est question ici comme le montre l'extrait que je cite plus loin. Poésie plus que la politique. Comment est-ce imaginable?





Ce chemin-là est étroit, si escarpé, mais si bien dégagé ici par le génie de Wajdi. Il nous entraîne sur le chemin royal de la magie de la scène au-delà des temps et des lieux, au-delà aussi de l'inconscient et du rêve... Il dessine sous nos yeux avec des mots, il appelle par ses acteurs inspirés, il catharsise à coups d'interjections scéniques à la fois simples et ingénieux, il met en scène comme en écho des personnages le rôle d'une communauté à grandeur humaine, vivante, lettrée, libre, soucieuse de sa dignité.

Il y a plus que la poésie dans ces Incendies qui se frottent à la symbolique de l'eau tout au long de la pièce. L'eau qui purifie jusqu'à la mort, l'eau qui mitraille, l'eau qui rigole dans la chaleur du ciel montréalais, l'eau de pluie du dernier et ultime tableau, si beau, où tous les personnages, victimes et bourreaux, côte à cote, se protègent sous la toile tendue et nous font entendre le silence.

Être radical, cela veut dire aller à la racine de l'homme, disait Marx.

Combattre les incendies avec de l'eau, source de vie.

Bien sûr, rien n'est simple. C'est la vie qui tue aussi.

Il y a du spirituel dans ce propos avec l'évocation de l'amour sans condition (lettre de Nawal vieillissante à son fils). On dira à part soi : c'est un gros morceau à digérer. Nous allons en rire, en prendre et en laisser. Reste que l'auteur a vu juste. C'est-à-dire qu'il imagine quelque chose de pas si naïf au-delà du mur de la violence et de ses chaînes associées sans pour autant savoir ce que cela peut bien être. Mais l'amour sans condition épouse les morts successives de l'autre, de l'être aimé en tous les cas, comme dirait Jean-François Malherbe. La mort de l'autre au sens où nous ne savons jamais ce qu'advient l'être, qu'il est par définition différent de ce qu'on croit qu'il est. Bien sûr le silence de l'autre est terrible à supporter. L'argument de la pièce montre toutefois que le silence n'est pas toujours le déni de l'autre.

Ce qui nous mène à une réflexion assez joyeuse et très importante sur la vérité. Je n'ai pas le texte de la pièce sous les yeux. Mais si j'ai bien noté, Nawal vieillissante, en fait morte déjà dans la sphère de réalité des enfants, dit : il est des vérités qui ne valent que si elles sont dévoilées. Le dévoilement de ce qui est voilé. Les jumeaux devront consentir à dévoiler ce qu'ils croyaient être leur vie. Si je traduis bien l'auteur, on touche ici un nœud philosophique d'une très grande richesse. La vérité, «l'alèthéia comme dévoilement... de l'erreur plutôt que comme dévoilement d'une substance «voilée» par des apparences trompeuses.» (Jean-François Malherbe, recueil de textes, cours Éthique 731, univ. de Sherbrooke, aut 2006) . Apprendre à rechercher la moindre erreur plutôt que conquérir le vrai pourrait nous aider à détendre l'atmosphère, à déjouer les pièges du relativisme et ceux du dogmatisme.

Cela est libérateur et révolutionnaire d'y réfléchir. À tout le moins, on peut penser pour notre temps qu'il faut sortir de la dialectique du bourreau et de la victime. Le spectacle est magistral à cet égard. Et c'est ainsi que je récapitule à l'envers la pièce de Mouawad. Par exemple : imaginons la mère de Nawal qui «épouse la mort de sa fille» et accepte dans sa maison le fruit de l'amour interdit? La guerre aurait eu lieu quand même. Mais Nawal aurait eu son enfant, son amant. Il n'y aurait pas eu ce fou «américanisé» sans mère.

Ne recomposons pas la pièce autrement qu'elle ne se donne. Mais en jonglant comme cela, en filigrane, une autre question importante se détache. Je l'ai entendue évoquée par l'auteur lui-même en interview : comment penser le paradoxe d'être heureux personnellement dans une société qui ne l'est pas?

Quel beaux cadeaux que ce garçon sérieux fait à notre dramaturgie!

«Depuis longtemps (...) on ne croit plus que la poésie puisse parler en faveur des douleurs et des mystères de nos agissements. Trop abstrait. Bon pour les théâtres. Les artistes. Les fous. (...) Poésie. Les plafonds peuvent être transparents. Ainsi en est-t-il d'Incendies. Alors, ce qui ferait battre mon cœur c'est de savoir que ce spectacle restera, à travers vos yeux, ancré avant tout dans la poésie, détaché de toute situation politique, mais ancré dans la politique de la douleur humaine, cette poésie intime qui nous unit. »
- Wajdi Mouawad, Programme du TNM, saison 2006-2007.

Incendies, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad. Avec Annick Bergeron, Éric Bernier, Gérald Gagnon, Reda Guerinik, Andrée Lachapelle, Marie-Claude Langlois, Isabelle Leblanc, Isabelle Roy et Richard Thériault.

«Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux.»


Crédit photo : Cyberpresse, Patrick Sansfaçon

02 décembre 2006

Erratatum! Méchant Boris



Dans mon dernier courriel de la série Off à mes amis, que je croyais bien être le dernier dernier, j'ai évoqué comme sortie possible de gagne ceci : «À très long terme, il y a Boris au Monument National. Ça serait sharp!..»

Eh! bien, j'ai erré sous la lune, comme dirait Leloup et je vous ai enduit dans l'huile de la berlue.

Sachez dorénavant que lorsque je dis Boris, je veux dire Bori!

Auteur-compositeur-poète masqué, ombragé...

Je dirais plutôt «hauteur».

Vous connaissez? Sinon, tapez vite «Bori» sur la Gogoune.

Ou aller tout de go sur son
site officiel.

De fait, autre erreur qui s'est glissée cette semaine par le vert glas sur ma circulaire des meilleurs spéciaux de l'âme en ville, Bori ne jouera pas au Monument, mais au Gesù, comme à son habitude. Son nouveau spectacle a roulé en octobre. Il sera en supplémentaires les 20 et 21 mars avec Dans un monde poutt poutt, titre de son dernier album (excellent) paru en avril 2006. Ses musiciens sont carreautés-jazz. Il a travaillé, entre autres, avec Groulx, Lachappelle (merveilleux Lachappelle), Henri Texier (!), Mario Légaré, Jean-François Dumas (harmonica), etc., etc.

Lui, il a une teinte bleu foncé avec un brin de Lelièvre et de Reggiani dans la voix, des paroles fortes comme jet de pompier ou sifflet d'amoureux. Souvent recoupé court. Pas grave, oui c'est grave, mais «la vie c'est merveilleux.» L'ai «vu» une fois il y a deux ans. Après avoir écouté dans mon char, le hasard, un morceau du très costaud Changer d'air. Ce show tricoté de blues québécois, de chapeaux de rastaquouère, de bas de nylon dans la face pour faire noir, de profil ombré, ce show m'a jeté par terre. On ne va pas se coucher tout de suite après. Ok, disons que ça dépend...

jack all over the trail straps again


Y frais
(...)
Train d'enfer
À perdre la bonne heure
Qu'est-ce que c'est que cette peur de dérailler?
Qui ne dit magie qui ne dit magie meurt
On ne s'imagine plus les prés
On n'imagine plus les prés

Bal d'amers sur terre
Adieu cent millénaires
Accoudés au coeur de tout gâcher
Nourris de tape-à-l'oeil
Vissés à nos oeillères
On ne s'imagine plus les fées
On n'imagine plus
Bâlam

Bori pas de s

Photo jd (d'après la pochette de Dans un monde poutt poutt).