29 juin 2008
Brad Mehdlau à coups de génie
Revenu du jazz autour de minuit, disais-je. J'étais avec Lau, Raff et Belle Fleur au show de Mehdlau, celui de 18h au théâtre Jean-Duceppe.
Mes folies de la veille, ma journée de plomberie, mon genou de la dernière guerre du Brésil incapable de rester immobile par temps de haute humidité, je n'avais certes pas le corps qu'il faut pour aller au concert.
En prime, une grosse tête frisée grise à la Jean-Pierre Charbonneau était postée devant moi. Je ne voyais que le pianiste de biseau. Alors, j'avais tendance à écouter la musique les yeux mi-clos. Mais là, à un poil de cil près, de fortes images se dardaient comme des éclairs et tentaient de me faire verser dans la condensation onirique. J'ai ramé d'un bout à l'autre en hallucinant en silence, en bougeant sans que cela ne paraisse. Du moins, je l'espère.
Concert qui durera deux heures tapantes sans aucun moment vide. Magnifique! Du Monk, du brésilien, des compos, du concentré de battements d'ailes, puis du défuntisé en 7/4 qui perd le nord; parfois, ça rasait d'être du Prokofiev, m'a dit Raff, lui-même pianiste; la catastrophe dans les racoins du jazz; mais non, ce n'était que feu camouflé ou bien soyeuses vaques déroulantes dans des beaux slow, des balades d'un lyrisme parfait, ni pesant, ni sucré. Un partage de jeu hors normes en trio avec Jeff Ballard à la batterie et Larry Grenadier à la basse.
Pour le dire en un mot : du grand art!
Cf. Le Devoir avant; Le Devoir après; Le site de Mehdlau; l'entrée Mehdlau de Wikipedia.
La brosse du samedi
Revenu du jazz autour de minuit en passant
côté-cour, ou plutôt non, je suis redescendu par derrière avec le chien pour ses derniers besoins, et là, j'ai eu tout de go un coup dans le museau, doux et agréable : ça y est, on a le tilleul en fleurs! En tout cas, il fait papillonner ses effluves dans l'air de la nuit qui couve l'orage.
Cette poudre du jeune été me renvoie immanquablement aux vers de ce cher Arthur :
côté-cour, ou plutôt non, je suis redescendu par derrière avec le chien pour ses derniers besoins, et là, j'ai eu tout de go un coup dans le museau, doux et agréable : ça y est, on a le tilleul en fleurs! En tout cas, il fait papillonner ses effluves dans l'air de la nuit qui couve l'orage.
Cette poudre du jeune été me renvoie immanquablement aux vers de ce cher Arthur :
«Ce soir-là,... vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.»
***
Au Sky où le port des verres fumés est de mise, je me suis prêté de bonne grâce au jeu de cette espèce de bunny hop du Gold Slagger, boisson rince-bouche incolore pour adultes, qu'on n'avale pas sans avoir étiré dans toutes les directions le potentiel de la cannelle, de gauche à droite, dans les bajoues, puis on se gargarise, puis on fait entrer un petit corridor d'air, ça paraît compliqué, comme ça, mais c'est aussi facile que la danse des canards, et là, au signal donné sur la table, on fait en gagne trois sauts en avant, on boit cul-sec, ce qui vous ouvre le chemin pour au moins cinq bières froides en ligne pour le reste de la soirée.
Bémol: ils ont de la bière ordinaire. Même pas de St-Ambroise.
Voici que quelqu'un fait atterrir sous mon nez une banale assiette chaude de Nachos, bordée de trois sauces-trempettes qui dansent la salsa, dont une plus douce, une verte aux avocats que je vais attaquer à grands coups de pelle. Je n'aime habituellement pas du tout snacker aux Nachos. Mais je n'ai pas bouffé de la journée! Et je me fous d'apprendre que c'est G. qui a commandé ce plat, il est en conversation à l'autre bout de la table, ne semble pas prêt de revenir; je crois qu'il a voulu être blod en payant la traite... Une seconde assiette circule plus loin entre les pichets.
Je fais le goûlou, j'en mange plus de moitié, c'est extrêmement pimenté. J'adore la vie pimentée! Mais, petite nature, j'en paye le prix, le lendemain.
Un spécialiste qui m'a déjà filmé les intestimables jusqu'à ce que je hurle (calvaire, c'est pas endurable!) a conclu que j'avais un ulcère non cancérigène. Lorsque je lui ai fait part de mon hypothèse des épices, il m'a envoyé paître avec une prescription de suppositoires en disant que c'était-là une histoire de grand-mère.
Mais moi je sais que si je prends une brosse aux piments... Toujours est-il que je suis revenu à trois heures du mat et qu'à sept-heures, dans le brouillard qui n'avait rien de pornographique, j'étais sur le trône en urgence, et je passe par-dessus les détails.
Après, on a plus aucune envie de se recoucher. On a plutôt l'idée de commencer le ménage du samedi, de débuter pas la salle de bain! Ce que je fis. Il faut être ouvert à la surprenance, je ne cesse pas de me le répéter. Mais quand c'est une tuile, une tuile niaiseuse!
La tuile, la voici : en passant, tournoyant la brosse dans le renvoi du bol, le manche me reste dans les mains! Bon, je plonge, je sens l'affaire. Mais je n'ai aucune prise. Le plus je farfouille, le plus ça descend plus loin... Broche, ciseaux, rien ne marche! Jusqu'à ce que je réalise que c'est une câlice d'affaire pour un samedi matin fatigué et en chiasme!
Dans mon appart, il n'y a pas deux toilettes! Je commence à jongler sur des moyens d'évacuation alternatifs, au cas où. J'essaie à nouveau. Je ne sens quasiment plus rien. Sinon la fatalité. Alors, je me dis que la gnochonnerie d'objet à la fois dur et mou va finir ses jours dans la grande mare. Pas le choix, je tire la chaîne. C'est pas vargeux. Je décide d'actionner manuellement en versant à répétion des chaudières d'eau bouillante... La moitié du réservoir peut-être. Rien!
C'est un Monsieur Plumbec qui est arrivé vers onze heures trente. Chanceux de l'avoir. On est SAMEDI! Un colosse. Qui use de la force raisonnable. Mais même en ayant démonté cette cuve essentielle qui n'a pas le droit de faire la grève ou de tomber malade, il n'y arrive pas et sue à plein front. Il ouvre d'une raideur la fenêtre. «ll n'existe pas d'outils pour ça», me dit-il en cassant le français. Il emprunte ma scie à fer. Rien. Tourne, retourne la cuve. Il me fait monter l'arrosoir sur le balcon. Avant, il a soudainement l'idée d'aller chercher une torche dans son camion... La flamme ne tient pas dans l'exigüité du trou...
Après une heure de faux caillages, M. Plumbec, qui se parlait à lui-même, a fini par faire un peu rapetisser la pieuvre de nylon et ainsi, l'extirper!
Shit! C'est une brosse qui m'a coûté deux cent piastres!
Photos : jd.
J'ignore le nom de l'auteur de la photo originale de Garneau-Cohen sur la couverture du recueil que j'ai reprise ici.
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.»
***
Des cafés éclatants, je ne sais trop. Mais toujours est-il que vendredi soir, Norm craignait un peu d'avoir convié ses collègues et amis au Sky pour marquer le coup de son envolée vers la retraite. Haut lieu gai-luron de la planète village, je n'ai jamais vu à Montréal plus belle terrasse, relax, remarquablement fleuries, jouquée rue Ste-Catherine entre l'enseigne de Molson et celle de TVA. La petite vie amusée, vue autrement.
***
Reçu de Noé Poèmes du traducteur de Michel Garneau (L'Hexagone, 2008).
- Tu ne l'as pas déjà, j'espère?
- Non. Puis du Garneau à la maison, même quand il parle de la lune, c'est toujours comme un soleil.
- Tu ne l'as pas déjà, j'espère?
- Non. Puis du Garneau à la maison, même quand il parle de la lune, c'est toujours comme un soleil.
Si je saisis bien la démarche, marchant à pied justement dans les talles de Cohen pour les traduire, en parallèle, en écho plutôt et en correspondance libre, Garneau a tenu ses propres déclivités poétiques, sa propre business.
Je tire au hasard (tout à fait) un extrait, page 133, qui va comme un gant avec le propos de ce jour. Mais avant, suivons les fils subtils.
Sur sa table et dans sa tête, le traducteur est donc d'abord en train de mâcher ici «The Mist of Pornography»; il proposera «Le brouillard de la Pornographie», qui se trouve dans Livre du constant désir (L'Hexagone 2007), de Cohen, page 106. Là, c'est complètement du Cohen, il a 57 ans, parle de la vie à Los Angeles; il raconte qu'il bave sur les hanches un peu garçonne de «la plus belle fille de la gauche religieuse / pour aller avec ses lèvres / au lieu désoleillé»
Déjà, ce petit bout du drap ferait notre journée. Mais voici, comme en négatif ou en surimposition, au sens de la magie de la chambre noire du poète, le ratoureux Garneau donne à lire «La Business», page 133 donc :
Je tire au hasard (tout à fait) un extrait, page 133, qui va comme un gant avec le propos de ce jour. Mais avant, suivons les fils subtils.
Sur sa table et dans sa tête, le traducteur est donc d'abord en train de mâcher ici «The Mist of Pornography»; il proposera «Le brouillard de la Pornographie», qui se trouve dans Livre du constant désir (L'Hexagone 2007), de Cohen, page 106. Là, c'est complètement du Cohen, il a 57 ans, parle de la vie à Los Angeles; il raconte qu'il bave sur les hanches un peu garçonne de «la plus belle fille de la gauche religieuse / pour aller avec ses lèvres / au lieu désoleillé»
Déjà, ce petit bout du drap ferait notre journée. Mais voici, comme en négatif ou en surimposition, au sens de la magie de la chambre noire du poète, le ratoureux Garneau donne à lire «La Business», page 133 donc :
«J'ai dix sept ans et je suis à New York
en état d'errance émerveillée
& si innocent que je bois à Harlem
& me promène la nuit dans Central Park
& dans les clubs homosexuels
qui ne sont pas encore gais mais bien amusants (...)
en fait je cherche désespérément une fille
mais les filles de mon âge ne sont pas
dans la nuit où je suis....»
en état d'errance émerveillée
& si innocent que je bois à Harlem
& me promène la nuit dans Central Park
& dans les clubs homosexuels
qui ne sont pas encore gais mais bien amusants (...)
en fait je cherche désespérément une fille
mais les filles de mon âge ne sont pas
dans la nuit où je suis....»
***
Au Sky où le port des verres fumés est de mise, je me suis prêté de bonne grâce au jeu de cette espèce de bunny hop du Gold Slagger, boisson rince-bouche incolore pour adultes, qu'on n'avale pas sans avoir étiré dans toutes les directions le potentiel de la cannelle, de gauche à droite, dans les bajoues, puis on se gargarise, puis on fait entrer un petit corridor d'air, ça paraît compliqué, comme ça, mais c'est aussi facile que la danse des canards, et là, au signal donné sur la table, on fait en gagne trois sauts en avant, on boit cul-sec, ce qui vous ouvre le chemin pour au moins cinq bières froides en ligne pour le reste de la soirée.
Bémol: ils ont de la bière ordinaire. Même pas de St-Ambroise.
Voici que quelqu'un fait atterrir sous mon nez une banale assiette chaude de Nachos, bordée de trois sauces-trempettes qui dansent la salsa, dont une plus douce, une verte aux avocats que je vais attaquer à grands coups de pelle. Je n'aime habituellement pas du tout snacker aux Nachos. Mais je n'ai pas bouffé de la journée! Et je me fous d'apprendre que c'est G. qui a commandé ce plat, il est en conversation à l'autre bout de la table, ne semble pas prêt de revenir; je crois qu'il a voulu être blod en payant la traite... Une seconde assiette circule plus loin entre les pichets.
Je fais le goûlou, j'en mange plus de moitié, c'est extrêmement pimenté. J'adore la vie pimentée! Mais, petite nature, j'en paye le prix, le lendemain.
Un spécialiste qui m'a déjà filmé les intestimables jusqu'à ce que je hurle (calvaire, c'est pas endurable!) a conclu que j'avais un ulcère non cancérigène. Lorsque je lui ai fait part de mon hypothèse des épices, il m'a envoyé paître avec une prescription de suppositoires en disant que c'était-là une histoire de grand-mère.
Mais moi je sais que si je prends une brosse aux piments... Toujours est-il que je suis revenu à trois heures du mat et qu'à sept-heures, dans le brouillard qui n'avait rien de pornographique, j'étais sur le trône en urgence, et je passe par-dessus les détails.
Après, on a plus aucune envie de se recoucher. On a plutôt l'idée de commencer le ménage du samedi, de débuter pas la salle de bain! Ce que je fis. Il faut être ouvert à la surprenance, je ne cesse pas de me le répéter. Mais quand c'est une tuile, une tuile niaiseuse!
La tuile, la voici : en passant, tournoyant la brosse dans le renvoi du bol, le manche me reste dans les mains! Bon, je plonge, je sens l'affaire. Mais je n'ai aucune prise. Le plus je farfouille, le plus ça descend plus loin... Broche, ciseaux, rien ne marche! Jusqu'à ce que je réalise que c'est une câlice d'affaire pour un samedi matin fatigué et en chiasme!
Dans mon appart, il n'y a pas deux toilettes! Je commence à jongler sur des moyens d'évacuation alternatifs, au cas où. J'essaie à nouveau. Je ne sens quasiment plus rien. Sinon la fatalité. Alors, je me dis que la gnochonnerie d'objet à la fois dur et mou va finir ses jours dans la grande mare. Pas le choix, je tire la chaîne. C'est pas vargeux. Je décide d'actionner manuellement en versant à répétion des chaudières d'eau bouillante... La moitié du réservoir peut-être. Rien!
C'est un Monsieur Plumbec qui est arrivé vers onze heures trente. Chanceux de l'avoir. On est SAMEDI! Un colosse. Qui use de la force raisonnable. Mais même en ayant démonté cette cuve essentielle qui n'a pas le droit de faire la grève ou de tomber malade, il n'y arrive pas et sue à plein front. Il ouvre d'une raideur la fenêtre. «ll n'existe pas d'outils pour ça», me dit-il en cassant le français. Il emprunte ma scie à fer. Rien. Tourne, retourne la cuve. Il me fait monter l'arrosoir sur le balcon. Avant, il a soudainement l'idée d'aller chercher une torche dans son camion... La flamme ne tient pas dans l'exigüité du trou...
Après une heure de faux caillages, M. Plumbec, qui se parlait à lui-même, a fini par faire un peu rapetisser la pieuvre de nylon et ainsi, l'extirper!
Shit! C'est une brosse qui m'a coûté deux cent piastres!
Photos : jd.
J'ignore le nom de l'auteur de la photo originale de Garneau-Cohen sur la couverture du recueil que j'ai reprise ici.
26 juin 2008
Partir
Loin dans ma campagne
Au lion Daniel.
Dans la vraie campagne, je dirais que c'est l'industrialisation en déclin, La guerre alimentaire qui s'anguille sous roche, Méphisto la semence et cie. Ce n'est pas demain la veille des vieilles meules et des bouts de chandelles raboudinées dans la poêle du terrouoir. C'est la Califournie plutôt, et le travail continuel du matin au soir. On ensile au cœur de l'été jusqu'à minuit passé. C'est l'inquiétude tranquille qui tue les hommes là comme ailleurs. Qui ne dit mot consent. Les B&B champêtres ne sont qu'un masque sur la misère du blé d'Inde.
Monet, Meules de foin, fin de l'été, soir, 1890-1891.
Heureusement, dans la clarté du jour il y a l'amour des artisans, parsemés ici et là, en train de forger de nouveaux ingrédients...
Les poignées de poésie trouveront ainsi, toujours, le tour de décaler les humains et les arrières-pays. C'est notre «dé-placement» involontaire dans la pensée de ce temps. Notre penchant. Cela se passe aussi rue St-Denis ou St-Laurent, «comme un chant égaré».
Nos gaucheries, cela se porte plutôt à gauche, que je me dis.
C'est dire que ce n'est pas très payant à court et à moyen terme. Surtout quand on n'a ni voix, ni piano, ni représentants au Parlement. La persistance ne s'explique pas. Les artistes me fascinent. Pas les vedettes, pour dire comme Biz.
Il nous faudrait peut-être un quota universel comme dans le lait et le poulet, un bon syndicat pour le sirop de calmant...
Dans ce trou de rumeurs bien-aimé, près de Racine, que je fuis encore malgré moi pour aller danser, jusque sous mon taudis, loin des troublions et des traînées d'écume, le vent du sol rivalise, en effet, avec les ventilateurs à foin. Je n'entends pas si souvent le lointain des étoiles qui murmurent dans le noir. Mais je sais que tout est là, intact, comme sur une toile de talismans, y compris la baveuse incendie de nos 18 ans.
Je le sais, je suis dans le champ un naïf inconsolable.
Tout est là et tout se brise sur la table que nous rasions.
Je ne critique pas. J'oublie. Je n'oublie rien. Surtout pas ma grand'mère.
Je vis avec le monde que j'aime de mon mieux. J'ai la tête haute à cet égard.
Je manifeste pourtant. Ne pas prendre mon silence pour du cash.
Je n'acquiesce pas!
Je pamphlétise avec qui le voudra. Et j'y retourne immédiatement.
Dans la vraie campagne, je dirais que c'est l'industrialisation en déclin, La guerre alimentaire qui s'anguille sous roche, Méphisto la semence et cie. Ce n'est pas demain la veille des vieilles meules et des bouts de chandelles raboudinées dans la poêle du terrouoir. C'est la Califournie plutôt, et le travail continuel du matin au soir. On ensile au cœur de l'été jusqu'à minuit passé. C'est l'inquiétude tranquille qui tue les hommes là comme ailleurs. Qui ne dit mot consent. Les B&B champêtres ne sont qu'un masque sur la misère du blé d'Inde.
Monet, Meules de foin, fin de l'été, soir, 1890-1891.
Heureusement, dans la clarté du jour il y a l'amour des artisans, parsemés ici et là, en train de forger de nouveaux ingrédients...
Les poignées de poésie trouveront ainsi, toujours, le tour de décaler les humains et les arrières-pays. C'est notre «dé-placement» involontaire dans la pensée de ce temps. Notre penchant. Cela se passe aussi rue St-Denis ou St-Laurent, «comme un chant égaré».
Nos gaucheries, cela se porte plutôt à gauche, que je me dis.
C'est dire que ce n'est pas très payant à court et à moyen terme. Surtout quand on n'a ni voix, ni piano, ni représentants au Parlement. La persistance ne s'explique pas. Les artistes me fascinent. Pas les vedettes, pour dire comme Biz.
Il nous faudrait peut-être un quota universel comme dans le lait et le poulet, un bon syndicat pour le sirop de calmant...
Dans ce trou de rumeurs bien-aimé, près de Racine, que je fuis encore malgré moi pour aller danser, jusque sous mon taudis, loin des troublions et des traînées d'écume, le vent du sol rivalise, en effet, avec les ventilateurs à foin. Je n'entends pas si souvent le lointain des étoiles qui murmurent dans le noir. Mais je sais que tout est là, intact, comme sur une toile de talismans, y compris la baveuse incendie de nos 18 ans.
Je le sais, je suis dans le champ un naïf inconsolable.
Tout est là et tout se brise sur la table que nous rasions.
Je ne critique pas. J'oublie. Je n'oublie rien. Surtout pas ma grand'mère.
Je vis avec le monde que j'aime de mon mieux. J'ai la tête haute à cet égard.
Je manifeste pourtant. Ne pas prendre mon silence pour du cash.
Je n'acquiesce pas!
Je pamphlétise avec qui le voudra. Et j'y retourne immédiatement.
*
24 juin 2008
Mais à l'ombre...
L'été
Mais a l'ombre d'un joli rosier, plus vieux que moi, que je transplantai il y a quatre ans, en plein soleil; et c'est la joie; il étouffait littéralement devant la maison sous les érables et les lilas, parmi les boules de neige et le houblon. Le salmigondis de la vie.
On étouffe parfois.
S'cusez mes vieilles godasses
psychédéliques.
On étouffe parfois.
S'cusez mes vieilles godasses
psychédéliques.
Photos : jd
20 juin 2008
Carnets pelés 22 - Traceries dans la lumière
Rien.
Rien, sauf les couleurs qui grouillent sous le dépouillement.
Rien, sauf les couleurs qui grouillent sous le dépouillement.
31 janvier 1993
À travers les rideaux vénitiens bourrés de stries de froid grammatical, voici quelques notes d'un voyageur du Sud qui rôda en ce jour sous ma calotte glaciaire.
En regard de la nature qui appartient au monde entier, Frédéric-Jacques Temple parle de son Sud avec amour et désespoir, «car il y a au moins la force du désespoir».
Le Sud est un état d'esprit, ajoute-t-il, une manière d'être par rapport aux autres. Pays rêvé qui voudrait se voir sortir de la clandestinité. Langue d'Oc, tête la première. Son père lisait encore cette langue devenue étrangère... Les vieilles racines têtues sous les mottes de terre cuite à l'os, sans aucune chance de frisson dans la poussière mêlée au vent, recèlent aussi, on dirait, par en-dessous et de très loin, la liqueur de la jeunesse.
Le Sud est un état d'esprit, ajoute-t-il, une manière d'être par rapport aux autres. Pays rêvé qui voudrait se voir sortir de la clandestinité. Langue d'Oc, tête la première. Son père lisait encore cette langue devenue étrangère... Les vieilles racines têtues sous les mottes de terre cuite à l'os, sans aucune chance de frisson dans la poussière mêlée au vent, recèlent aussi, on dirait, par en-dessous et de très loin, la liqueur de la jeunesse.
26 décembre 1998
Je n'avais pas trente ans. Nouvellement père et sur le carreau. On se pense fichu à l'hôpital où j'étais en 1982. Les os craquent dans la crise. Se peut-il qu'on cherche dans les dictionnaires l'ombre des étés ensevelis, surtout les mois d'août imaginaires? A-t-on vraiment vécu ou n'était-ce qu'un rêve dans lequel on se faisait couper les cheveux par un vrai barbier inconnu, à six heures moins vingt le soir, - on ne voudrait surtout pas déranger -, pour se cacher de la chaîne? On ne sort pas vivant de la répétition des corps. De l'obscène. Mais une femme très douce avec un regard bleu, infirmière, gardienne ou je ne sais trop, vous dit que vos mains sont jeunes. Elle les a prises dans les siennes comme on cueille un signe ostensible, un rayon de lumière. On ne se pense plus, bon à rien, puis voici que la jeunesse vous porte et vous déporte au-delà de vous-même. Parmi le genre humain.
13 juillet 1996
C'est aujourd'hui l'anniversaire de la mort de Doloré. Je me débouche une Mol. Tout à l'heure, j'ai bordé mes deux amours qui dorment dans la chambre où je suis né et où mon père est décédé. L'émotion est vive pour moi. Pour moi seul, sans doute, car c'est encore le bordel indescriptible ici dedans alors que je savoure, malgré tout, la continuité. Je viens d'installer une chantepleure neuve à la cuisine; l'eau est à nouveau courante. C'est la première fois que nous sommes tous les quatres dans ce vieux rafiot que j'ai repris à l'arraché. C'est ma bataille toute masculine pour la vie. «La mort a tant de synonymes», dit Vigneault. Voilà la pensée qui m'anime ce soir pour mon père en allé.
12 juin 1999
Quel était donc ce pari inconscient parmi le superfétatoire? Se gaver au max pour ne retenir qu'une seule chanson? Un seul poème? Une seule brève idée philosophique? Les dernières toiles de Borduas aux gestes japonais sont si dépouillées. Les noirs gradués. Les blanc crème. Quelques accumulations autour desquelles gravitent, dans mon souvenir à tout le moins, le sang de bœuf, les bruns tannés, les carrés marrons, les rectangles laissés dans l'ombre du vide. Cela n'en est pas moins complexe et lumineux. Ces toiles se vissent à la mémoire.
Je songe à cela alors que nous sommes au parc de la Yamaska en famille. Je me dirige vers le petit sentier, entre lac et forêt, pour aller pisser. Je rencontre sur mon chemin des papillons oranges, des fleurs bleu de lin, un geai bleu. Il fait bon marcher. Ça sent la fraise sauvage et le sapinage. Malgré le touffu et l'inconnu familier, jamais la nature ne se trouve criarde dans son expression, déplacée, en surcharge. J'aimerais pour moi-même arriver à ce point de l'écriture qui ne retient rien sur la grève mais s'amuse à cacher pour plus tard quelques traces entre les ombres aériennes.
14 août 2002
Chemin faisant, du garage vers le métro Préfontaine, l'asphalte me martyrisait les pieds tellement il fait chaud. Je n'ai rien à lire. J'ai laissé sur mon bureau le livre de poésie de Gerard Manley Hopkins que Michaël La Chance m'a passé il y a quinze ans! Ça fait aussi le même nombre d'années que L. dénonce mon «abandon». Oublier tout cela sans faire de mal. Pluvier siffleur sans coin du ciel pour disparaître.
TO SEEM THE STRANGER...
... Only what word
Wisest my heart breeds dark heaven's baffling ban
Bars or hell's spell thwarts. This to hoard un heard,
Heard unheeded, leaves me a lonely began.
Mais à toute parole
De mon cœur le plus sage, ou le ban confondant
Du ciel noir, ou l'enfer, me barre. Ce garder
Inouï, ou ouï sans plus, me laisse à zéro, seul.
09 juin 2008
Fais-dodo
La porte d'en arrière...
L'orchestre de Marc Savoie, en 1975.
L'année où je devins «French teacher»
et Lousianais de cœur pour la vie.
Note : mon neg = mon gars. Rien à voir avec...
«Le terme nèg en français cadien n’a pas la connotation raciste qu’il revêt en anglais ou en français (seul le contexte peut le lui conférer). “ Mon nèg ” est employé comme une expression affectueuse, parmi les Cadiens eux-mêmes.» Sara Le Menestrel.
Moi et la belle on avait été-z-au bal
on a passé dans tous les honkytonks
s'en a rev'nu le lendemain matin
le jour était après se casser
j'ai passé dedans la porte en arrière
l'après-midi moi j'étais au village
et je m'ai saoulé que je pouvais plus marcher
ils m'ont ramené back a la maison
il y avait de la compagnie, c'était du monde étranger
J'ai passé dedans le porte en arrière
mon vieux père un soir quand j'arrivais
il a essayé de changer mon idée
j'ai pas écouté, moi j'avais trop la tête dure
"un jour a venir, mon neg', tu vas avoir du regret
t'as passé dedans la porte en arrière"
j'ai eu un tas des amis tant que j'avais de l'argent
asteur j'ai plus d'argent mais ils voulont plus me voir
j'ai été dans le village et moi je m'ai mis dans le tracas
la loi m'a ramassé, moi je suis parti dans la prison
on va passer dedans la porte en arrière
L'orchestre de Marc Savoie, en 1975.
L'année où je devins «French teacher»
et Lousianais de cœur pour la vie.
Note : mon neg = mon gars. Rien à voir avec...
«Le terme nèg en français cadien n’a pas la connotation raciste qu’il revêt en anglais ou en français (seul le contexte peut le lui conférer). “ Mon nèg ” est employé comme une expression affectueuse, parmi les Cadiens eux-mêmes.» Sara Le Menestrel.
Moi et la belle on avait été-z-au bal
on a passé dans tous les honkytonks
s'en a rev'nu le lendemain matin
le jour était après se casser
j'ai passé dedans la porte en arrière
l'après-midi moi j'étais au village
et je m'ai saoulé que je pouvais plus marcher
ils m'ont ramené back a la maison
il y avait de la compagnie, c'était du monde étranger
J'ai passé dedans le porte en arrière
mon vieux père un soir quand j'arrivais
il a essayé de changer mon idée
j'ai pas écouté, moi j'avais trop la tête dure
"un jour a venir, mon neg', tu vas avoir du regret
t'as passé dedans la porte en arrière"
j'ai eu un tas des amis tant que j'avais de l'argent
asteur j'ai plus d'argent mais ils voulont plus me voir
j'ai été dans le village et moi je m'ai mis dans le tracas
la loi m'a ramassé, moi je suis parti dans la prison
on va passer dedans la porte en arrière
08 juin 2008
C'est un modeste dimanche, pourtant je pleure
Hard times come again no more
- Let us pause in life's pleasures and count its many tears,
- While we all sup sorrow with the poor;
- There's a song that will linger forever in our ears;
- Oh Hard times come again no more.
- There's a song, the sigh of the weary,
- Hard Times, hard times, come again no more
- Many days you have lingered around my cabin door;
- Oh hard times come again no more.
- While we seek mirth and beauty and music light and gay,
- There are frail forms fainting at the door;
- Though their voices are silent, their pleading looks will say
- Oh hard times come again no more.
- There's a pale drooping maiden who toils her life away,
- With a worn heart whose better days are o'er:
- Though her voice would be merry, 'tis sighing all the day,
- Oh hard times come again no more.
- Tis a sigh that is wafted across the troubled wave,
- Tis a wail that is heard upon the shore
- Tis a dirge that is murmured around the lowly grave
- Oh hard times come again no more.
Kate & Anna McGarrigle avec Rufus Wainwright, Emmylou Harris, Mary Black, Karen Matheson et Rod Paterson.
06 juin 2008
Grande fresque de nuit
Depuis 22h hier soir, et jusque tard dans la nuit, 45 peintres sont à l'œuvre sur le bitume de l'avenue Mont-Royal, entre St-Hubert et Garnier, autour du thème «Ma maison».
C'est dans le cadre de La Grande Fresque de nuit, activité phare de la 13e édition du NBTN, une belle patente du Plateau.
J'espère que la petite pluie qui rôdait à mon retour, vers une heure du matin, n'aura pas trop dépeinturluré le travail des artistes.
D'autre photos...
Photos : jd.
05 juin 2008
Antes que anochezca
Me suis fait prendre par le film à l'affiche hier soir à Télé-Québec, le magnifique Avant la nuit de Julian Schnabel , Grand Prix du jury et prix du meilleur acteur à la Mostra de Venise en 2000, d'après l'œuvre autobiographique du poète Cubain Reinaldo Arenas.
C'est l'époustouflant Javier Bardem qui interprète le rôle de l'écrivain.
Le film illustre comment et pourquoi le régime de Fidel s'est dardé, à partir des années 1966, sur les artistes, intellectuels, homos... C'est une dérive préfigurant bien des souffrances inutiles.
Sur Les couleurs de l'été : André Gabastou(1996).C'est l'époustouflant Javier Bardem qui interprète le rôle de l'écrivain.
Le film illustre comment et pourquoi le régime de Fidel s'est dardé, à partir des années 1966, sur les artistes, intellectuels, homos... C'est une dérive préfigurant bien des souffrances inutiles.
Cf. également l'excellent article de Bernard Mulaire qui retrace la résonance Arénas-Carriles (le portier à New York, l'indéfectible ami Lázaro) dans L’héritage subversif de Reinaldo Arenas : revoir Before Night Falls (2002).
03 juin 2008
Casser la Barack!
Je ne sais trop pour les faucons, les menteurs, les petteux de broue professionnels, les geôliers, la mafia, les pushers politichiens, les Maîtres de Washington...
Mais c'est aujourd'hui pour beaucoup de personnes à travers le monde, malgré tout, un jour historique. Non pas que la gloire soit arrivée. Mais nous savons à nouveau que nous rêvons dans nos Amériques.
Et j'aime orgueilleusement imaginer que les descendants de ma lignée maternelle, les Chaput et les Favreau, éparpillés ici et là en Nouvelle-Angleterre, ont de loin en loin bien fait leur boulot!
Mais c'est aujourd'hui pour beaucoup de personnes à travers le monde, malgré tout, un jour historique. Non pas que la gloire soit arrivée. Mais nous savons à nouveau que nous rêvons dans nos Amériques.
Et j'aime orgueilleusement imaginer que les descendants de ma lignée maternelle, les Chaput et les Favreau, éparpillés ici et là en Nouvelle-Angleterre, ont de loin en loin bien fait leur boulot!
«This is our time. Our time to turn the page on the policies of the past and bring new energy and new ideas to the challenges we face. Our time to offer a new direction for the country we love.»
- Barack Obama, discours de St-Paul. Minnesota, 3/06/08.
- Barack Obama, discours de St-Paul. Minnesota, 3/06/08.
01 juin 2008
Sitting on the top of the word
Il y a plusieurs années de cela, j'avais rencontré une fille de l'Alabama sur la côte Ouest de la Florida, à Pensacola. Rencontre furtive de vacances. Je l'ai invité au Québec. Une missive sur papier à lettres vert m'est parvenue à Sherbrooke en juillet me disant qu'elle aurait adoré, mais ne le pouvait pas.
De passage sur le pouce en Floride, je m'étais acoquiné à une bande d'étudiants absolument délirants et fort portés sur les buvards, les machines à boules et les boules... J'étais fou comme un balai de pouvoir être en plein dedans...
Dans les chambres de motels sur le bord de la mer, l'héroïne circulait à ciel ouvert, surtout chez les mecs noirs. J'aimais beaucoup moins cette ambiance qui me rendit paranoïaque.
Mon anglais était so so, ce qui faisait bien rigoler. En plus, je jouais de la guimbarde. Ça faisait hip. J'avais les cheveux aux épaules.
À ma souvenance, elle était la seule fille du clan. Un après-midi, sur la plage où tout bougeait jeune, elle m'a, comme ça, spontanément apprit une chanson. Un standard américain folk-blues énorme avec mille versions écrit par Walter « Jacobs » Vinson et Lonnie Chatmon. Ça, je m'en suis aperçu après. Sur le coup, diable que j'ai été heureux de passer un moment avec cette fille assez jolie.
Je n'ai jamais oublié le début de la chanson. On ne sait jamais quand donc il faut porter à son compte ces paroles :
Was all the summer, and all the fall,
Just trying to find my little all-in-all
But now she's gone, I don't worry
I'm sitting on top of the world
Was in the spring, one summer day
Just when she left me, she's gone to stay
But now she's gone, I don't worry
I'm sitting on top of the world (...)
Just trying to find my little all-in-all
But now she's gone, I don't worry
I'm sitting on top of the world
Was in the spring, one summer day
Just when she left me, she's gone to stay
But now she's gone, I don't worry
I'm sitting on top of the world (...)
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