Salvador, 16 février 2007
J'ai le zizi plein de sable comme un petit gateau roulé dans le sucre. Je reviens en claudinant de la plage de Pituba. Pourquoi ne sommes-nous pas en route vers Recife? Et pourquoi je claudine comme Bobinette?
Tous les bagages étaient fins prêts. Mais j'ai rappelé à Claudio qu'il fallait que je passe au poste de police avant de quitter suite au vol de ma caméra. Tout s'est bien passé avec l'agent qui était affable. Claudio, l'interprète, a été essentiel.
De retour à l'appartement, rue Mato Grosso, une bien mauvaise nouvelle nous attendait : la belle-soeur de Rita, enceinte de 19 semaines, a perdu son bébé. Dans les circonstances, Rita et Claudio tenaient à rester auprès de la famille. Le départ pour Recife est reporté au lendemain.
S'ouvrait donc à moi l'éventail free d'un samedi après-midi inattendu, lourd verdâtre comme un truck plein de cocos tamisé par le soleil, humide à en grignoter sur place le dessous des sandales. J'avais l'intention de prendre ça cool et alcool.
Je découvre par la fenêtre qu'un bureau de poste se trouve à proximité, dans la suite de la rue de commerces qui à l'air d'une grosse ruelle et qui mène à l'avenue longeant la mer. La mer ici se marie avec la ville. Le ciel n'est pas cocu pour autant.
Je décide de poster ma demi-douzaine de cartes postales. Le bureau de poste reste en tout temps verrouillé! Un employé vous ouvre la porte pour entrer et sortir. J'apprends qu'on n'y vend pas de timbres. Je supplie un peu. Cartes postales et timbres jolis, ça va emsemble, non? Non. On passe la pièce au timbreur. C'est moins ambassadeur mais c'est comme ça.
Je retourne à l'appartement ramasser mes cartes et j'en achète deux autres chemin faisant dans un stand à journaux; il en pleut ici, avec tout ce qui est petits cooler de ci, de ça, bière, eau, grille à hot dog, bar à coco (côco, et non cocô, prononcé à la française, car cocô= caca en brésilien, õo).
Le petit commerce brésilien grouille partout tout le temps.
À deux pas de la poste se trouve un petit resto qui n'est pas du genre en chemise blanche et essuie-vaisselle brodée de luxe. Plutôt prolo hobo à casquette qui a vu pleuvoir, cambuis comme lotion pour la barbe, grosse face bouillante d'alcool rouge souffrance, grosses farces sur le sexe avec les animaux - c'est ça que j'ai compris, j'pas fou, le type a répété sa phrase trois fois en riant vulgairement, taraudant les quatre ou cinq qui étaient à sa table... En dedans, l'odeur de la cuisine n'est pas desagréable et laisse deviner encore d'autres plats inconnus du Nord-Américain. (Le Brésil a une culture culinaire qui lui est propre. Vive les Amériques!)
La tv surélevée trône à l'entrée comme si on était dans une taverne rue Onta Rio... La poignée de clients regardent le carnaval mur-à-mur. Je demande une carafa de bière. Au Brésil, il faut choisir son clan : à défaut de la Bohemia qui est ma préférée, je suis Skoll. Comme Claudio!
Je m'installe à une table de la "terrasse" à l'extérieur qui est adjacente à un garagem. Une pile de pneus m'accompagne l'autre bord de la table. Je ne suis pas mal à l'aise dans ce lieu : je suis même très heureux d'être ici. Personne ne me regarde de travers même si j'écris mes petites cartes postales, que je me peinture dans le coin du touriste et que parfois je cogne des clous tellement il fait pesant. Je suis heureux parce que j'ai l'impression d'être dans une scène de film international typique vue et revue de la Sicile à Marrakech, du dernier petit trou de Paris au bar mélasse de New York. Comprenez? J'étais dans une espèce de Gaz Bar Blues, version Bahia.
Une fois tout cela accompli, j'ai repris mes claques et mes guenilles et m'en suis allé à la plage. Pas du côté où un petit voyou est venu détrousser ma caméra dissimulée sous mon t-shirt!
Il faut marcher un bon trois kilométres avant d'atteindre mon spot. Je prends une pause chemin faisant en m'arrêtant à un bar à côcos, à l'orée d'un parc où il y a petit terrain de foot et un carré pour le skate. Le "cocoman" taillarde le haut puis le bas du fruit à coups de machette parfaitement calculés. Pose une paille au centre. Hvouiite! Hvouiiite! Et autres onomatopées indescriptibles. Désaltérant et "natural". Mais un côco par-ci par-là me suffira.
Une piste cyclable borde le parc. Denrée rarissime ici, car ville de collines et de colère au volant, dangers sur quatre roues, chauffeurs speedés, taule qui dégueule et hurle : tasse-toé crapaud! En fait, personne ne hurle ici, on écrase.
Il y avait deux pêcheurs absents des longues lignes plantées comme des piquets dans le sable. C'était peut-être un pêcheur en deux lignes. On ne sait jamais à quel saint se vouer. J'ai marché plus loin pour ne pas confondre l'âme son.
Je me suis installé en vérifiant tous les horizons. Dindon volé craint le vole au vent . Puis je me suis lancé trois ou quatre orteils à la mer. Un pas à la fois. Je suis un froussard de l'eau et je n'ai pas encore trouvé le psychanalyste capable d'expurger de mon nain conscient les craintes ataviques que m'a mère m'a transmises en même temps que ses gènes (merci pour mes beaux cheveux, moman.)
Donc, pas le genre à aller loin de la rive. S'il y avait une corde pour se tenir au rivage, se serait chouette. J'exagère. En tk, dans la scène violente que va suivre, une corde n'aurait pas été de trop...
Oui, bon, une autre affaire. Je vous raconte sans rien précipiter mais rapidement. Car tout s'est déroulé très vite. C'est quasiment niaiseux, mais ça c'est passé de même. Je n'étais pas si loin de la rive. Juste assez pour faire pipi sans que les deux seuls baigneurs à vue, plus les deux pêcheurs absents ne puisse se douter que je faisais pipi... Je sais, je sais, le pipi attire les requins, mais pas de sanitoros un mille à la ronde comme dirait Jean Leloup. Dans la vie, il faut parfois des solutions, pas juste des envies... Puis, là, je suis bien, je suis léger. J'adore la praia. Mais j'avoue que ces vagues sont fortes en titi. Ça fait une couple de fois qu'elles me plaquent littéralement dans le sable amoncelé, prés de la grève. J'ai des éraflures à la poitrine. Faut les prendre d'aguet les vagues qui zèbrent. Une autre vient de me plaquer. Plac! Faudrait que j'entre plus profondément, juste avant que les vagues cassent. Mais certaines sont déjà assez bonnes jusqu'à moi, se dit le froussard. Tarbarnouche qu'elles sont fortes! Le reflux, pas mieux, vous coupe les pieds. Difficile de rester en selle. Je ne blaque pas! Je n'exagère pas même si c'est un trait de caractère brésilien qui pourrait se mouler à moi qui suis si influençable.
Mais revenons à nos moutons de vagues qui sont plutôt des canons à oh! Je venais tout juste d'en prendre une solide. Je me dévire en me frottant les yeux. Je suis en position parallèle et là : slaque! AYÔILLE! TA... Eil! Calice.........!!! J'ai littéralement vu mon genoux gauche faire un aller-retour et j'ai pensé sur le coup que j'avais la jambe cassée! Ça a fait mal.
Je me suis retrouvé sur le flanc dans l'eau et l'hostie de reflux ne m'aidait pas pantoute. J'ai vite saisi que je ne serais pas en mesure de me sortir de là tout seul si jamais le courant m'entrainait. J'ai regardé les deux baigneurs, ils ne pouvaient pas m'entendre, et auraient-ils compris : HELP! Peut-être qu'ils ne connaissent pas les Beatles! J'ai rampé avec la chienne qui est allée se coucher quand elle vu que le vieux rafiot n'avait pas coulé.
J'étais debout, capable de marcher. Mais j'avais vu mon genoux et senti le coup de fusil. Je savais que je venais d'en manger une maudite. Que j'étais au début de quelque chose!
J'ai repris mes claques. J'aurais aimé avoir un bâton. Je me suis posé la question et j'ai répondu : prends donc un taxi. Pour cela, aurait fallu que je gagne l'avenue qui borde l'océan, une trotte, j'avais tout juste 10 re$ sur moi (dindon volé craint les mains dans les poches). Mais surtout, j'étais trempé de bord en bord et je risquais de me faire refuser l'accès au taxi, cela m'est arrivé déjà avec Rita ici même à Salvador.
J'ai marché. Au parc, des gens donnaient des massages. Je pensais au début que c'était des infirmières! En parlant avec elles, en tentant de leur mimer mes malheurs, je me suis rendu compte que j'avais oublié de pendre ma montre à la plage! Crétin! Pourquoi l'as-tu enlevée? Elle est aquatique, ta montre qui sonne à midi et 20h00 tapantes. Deux heures plus tard dans les provinces brésiliennes. J'suis retourné. Mon spot est assez désert, que je me disais, que j'espérais... De loin, j'ai vu mon bracelet noir gigoter dans le sable. Mon horoscope est bien pourri, que m'a dit ma femme avant de partir en voyage. Mais là, au moins, j'ai déjoué une fois les astres! C'était écrit dans le ciel de Jacques le fataliste que je scorerais au moins une petite fois dans ma journée.
J'ai repris ma route, mais pas en chantonnant. J'ai marché ben, ben tranquillement. En claudicant. Trois kilomètres de long. Bottine boiteuse. Avec une poche de sable dans les oreilles et un gateau roulé là où vous savez.
La noirceur tombe ici rye throught! Je suis arrêté à la pharmacie acheter un bandage, une gelée...
Rita était inquiète. Ils venaient de passer un après-midi siphonnant. J'arrive comme une cerise sur le saturday. Ils me surprotègent comme un bébé surtout depuis le vol de la caméra, et je leur arrive à chaque jour avec un nouvel épisode de roman-savon (la télé savonne ici s't'effrayant) pour les énerver. Ce n'est pas de ma faute, c'est mon horoscope!
Claudio chausse pour moi ses patins de médecin - non, je ne m'ennuie pas des Canadiens, surtout pas de Stephen Harper, mais, dites-moi, est-ce que la rondelle roule pour eux? Il me fait mettre de la glace. Glace. Glace. "C'est ça ta vie pour le moment", dit-il de sa voix de Doc. Il suppute, mais pas autant que moi, mes chances d'aller au carnaval de Recife...
Vers 22h00, mon genoux est gros comme un ballon de soccer (football pour les intimes) et ne passera pas la nuit (blague). Ça fa que, appelle ici, appelle là, je me retrouve dans une clinique (privée) où l'on me fera une ponction (Yiiiii!) (deux seringues de sang), on me posera une attelle, bandage de pirate, piqûre dans la fesse pour rachever le plat... La ponction me fait instantanément du bien...
C'est emmanché de même que je prendrais la route (900 kilomètres) le dimanche matin pour Recife.
(Je ne me relis pas. On excusera les fautes)