30 novembre 2006

Photos Off jazz



Sylvain Legault est un comparse de la première heure de Train de nuit du temps où ça passait sur deux rails, poésie-jazz, et sur mille pattes en l'air les dimanches soir, autour de minuit, à Radio Centre-Ville. Depuis, on a vu ensemble des tonnes de shows; auditionné dans la vanne, dans le salon, assis par terre, chez les disquaires... des grattes-ciel de disques; avons rêvé éveillé dans la caverne de la musique pour au moins cent nuits d'affilée et quarante festivals pleins de voleurs de beauté à ras bord.

L'ami Sylvain m'a fait suivre aujourd'hui quelques photos de musiciens qu'il a croqués sur la scène du Théâtre Plazza, jeudi dernier, lors de la soirée de solidarité musicale du Off jazz.

Il me permet de les publier ici. Yes sir! Un grand merci!

On plonge?

D'entrée de jeu, photo du haut : André Leroux.


Puis, les mains du pianiste John Roney...


Photo pour Superk... Ivanhoé Jolicoeur.


Frédéric Alarie sous la douche...


Leroux à nouveau.
Superbe photo! Superbe chorus.


Sylvain observant la touche de Roney...


Luc Fortin
Photo solo d'un inséparable duo....



Crédit photos : Sylvain Legault.©2006


Very nice, Sylvain.

27 novembre 2006

Apéro Off jazz

En attendant les photos des jazz band (n'est-ce pas Sylva.? - he m'appelle coco, j'peux bien l'appeler Sylva.!), voici un petit topo apéro Off de votre humble serviteur publié dans Voir.ça en date du 26 novembre.

Soirée Off jazz mémorable
En ce jeudi si doux du 23 novembre, c'était encore au temps des jazzmen et des trombones qui dégoulinaient littéralement sur la scène du Plaza. Et encore, les six trombonistes de Richard Gagnon, c'était d'entrée de jeu de cette mémorable soirée de jazz mur à mur. Voici quelques impressions qui ne prétendent pas tout dire. Le solide quartet d'André Leroux avait auparavant parti le bal avec le toujours inspiré Frédéric Alarie. Puis le glorieux Ivanhoe Jolicoeur et son Bathyscaphe ont joué de corps, mélodieusement serré. Très bons. La voie était ouverte pour le concentré Dave Turner qui s'est appliqué, paupières clauses, à esquisser des prières de grandes étoiles rouges très blues qui montent haut dans le firmament lyrique du saxo. J'ai apprécié le jeu brillant du batteur Claude Lavergne. Yannick Rieu? Il a dû hélas se décommander à la dernière minute. Sauf erreur, au pied levé, ce sont les «frères» Fortin-Léveillé qui sont venus embraser la scène avec leurs airs de guitares à grandes coques. Simplicité, complicité, jeu impeccable. On se serait cru dans un cabaret enfumé très creux en quelque rêve où personne ne se pince, sauf les guitaristes bien sûr... Enfin, autour de minuit, il fallait attendre les jeunes du Erik Hove Quartet (Erik Hove, saxo, John Roney - époustouflant au piano, Adrian Vedady, contrebasse et Isaiah Cecccarelli à la batterie). Je le dis comme je le pense : l'étoile de la soirée pour l'improvisation libre revient à ces petits diables qui ont joué d'une traite du Miles et du je ne sais pas trop quoi avec brio et humour. Magnifique jeune ensemble qui prouve par quatre que les artistes du jazz québécois ont non seulement de la maturité dans les oreilles mais aussi, que ça frétille dans les orteils des plus jeunes. Oliver Jones avait un engagement au Corona le même soir. Cela explique peut être pourquoi le Plaza n'était pas rempli. Musique et solidarité ont tout de même tenu la promesse d'un grand bonheur pour les jazzeux.

L'Orford n'est pas mort!

Nos héritiers - Orford, Richard Séguin



C'est mon pays l'Estrie.

Et les simagrés des Charest, Reed, de Gagnon-Tremblay la mauvaise fée des Cantons-de-l'Est et de Béchard le finfinaud opportuniste, les niaiseries des libéraux paquetés au pouvoir pour les gobelets des Gobeil incorporés, je ne les digère pas dans le cas d'Orford! On va me faire avaler un char de neige avant de voter pour ces désâmés dont quelques-uns sont des enfants de la région. J'en ai honte!

Je reste profondément insulté par le vol d'un Parc National qui est né de la vision et de la générosité des gens de mon pays.

Cette vidéo de Richard Séguin est en circulation libre.
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Manifestez-vous gaiement!

SOS Orford!

Museau

Crédit photo Jacques Bellefleur, bar l'Alizé,  printemps 2003.
Copie de lettre à Hugues Corriveau, critique littéraire au Devoir

Cher Monsieur,
Je suis un fan de Michel Garneau, pas du tout un fin connaisseur de son oeuvre qui est considérable. Comme je l'ai écrit à Maxime Catellier de la revue Ici, je suis heureux de lire les recensions de ses récents ouvrages car, par le passé, j'ai remarqué un silence étonnant sauf lors de la ré-édition des Petits chevals amoureux. Comment pourrait-on imaginer la publication d'un livre de Michel Tremblay qui passe dans le beurre? Ou un disque de Vigneault? Alors pourquoi Garneau? Parce que ce n'est qu'un poète?

Je suis donc heureux de vous lire également dans Le Devoir de cette fin de semaine.
Je n'ai pas encore lu Le Museau de la lune, mais je me permets de réagir rapidement à l'une de vos remarques.
Citant Garneau, vous écrivez : «Il y a même du Jacques Languirand qui s'immisce parfois: «l'instinct est spiritualité / ça nous enrage mais l'instinct est spiritualité / et ne cherche que le miracle de la naissance».
Je ne suis pas très langoureux moi-même. Mais je ne crois pas du tout que le lien que vous faites soit pertinent. Mais je crois par contre que vous résistez au terme «spiritualité». Qu'est-ce que cela veut dire pour vous? Une espèce de tripation naïve?
Quitte à être dans les patates, j'entends pour ma part la citation tout autrement. D'abord, Garneau qui se dit nu de diplômes lit les philosophes. Et c'est un lecteur intelligent qui a soif, qui aime s'abreuver, c'est-à-dire qu'il va aimer composer avec les idées pour ouvrir des fenêtres. Pas pour faire le beau. Ce n'est pas aussi courant que l'on pense. La plupart du temps, on hait la philosophie, la pensée.
Garneau a notamment lu Wittgenstein. Or quiconque a creusé un peu ce philosophe des jeux de langages, des formes de vies et des collisions qu'ils recouvrent en vient à entrevoir l'engagement spirituel radical de l'auteur des Investigations.
La spiritualité est d'abord une mise en scène, disait-il. Encore faut-il prendre conscience de l'ensorcellement du langage, son dogmatisme. Encore faut-il prendre conscience des différents masques qui sont à notre portée en tant qu'être de langage. «Entendons» les masques au sens ancien du théâtre grec où ils jouaient, entre autres, le rôle de haut parleurs. Il nous faut des masques et des mises en scène. Telle est notre condition. Or le passage si risqué vers le dialogue, la création du sens comme tiers jeu pour se comprendre et vivre ensemble, cet engagement-là est certainement d'ordre spirituel. Pourquoi? Parce qu'il est traversé d'incertitude.


De son côté, le philosophe Jean-François Malherbe définit la spiritualité ainsi : «Rapport qu'un sujet s'autorise à la surprenance». Qu'est-ce que la surprenance, sinon le «surgissement irrépressible de quelque chose qui dérange». Cela peut être certes un beau dérangement comme l'improvisation brillante qui m'advient comme un coup de grâce quand je «pratique» l'harmonica.
Il me semble que si le poète Garneau est habitué à s'ouvrir à la surprenance, car cela est inévitable dans le processus de création, il sait très bien, néanmoins, qu'il y a une distance, que ses mots même les plus chatoyant ne sont qu'un reflet de la fulgurance, que la boite à surprises est parfois muette comme une tombe.


Tous les artistes attentent l'étincelle de la naissance. «Ça nous enrage, mais l'instinct est spiritualité». J'entends ici : c'est enrageant, mais on ne sait jamais! On ne peut jamais savoir où tout cela va nous mener. Et l'on renifle l'air du temps avec le museau fragile mais étonnant dont on est l'héritier éphémère.

Il y a la rage. Mais un poète ne fabrique que des vers, après tout. Il y a alors la joie d'être en mouvement avec si peu d'éléments au sein de l'univers.
Il existe toujours un écart entre nos pratiques et nos affiches, dit encore Malherbe. De la spiritualité on passerait ici à l'éthique, autre mot galvaudé mais mieux reçu que le terme spiritualité dans le vieux Québec de la Révolution tranquille.
Quant au miracle de la naissance : un artiste est-il jamais né? Un artiste reste peut-être la figure emblématique de l'humain fini d'avance mais qui pourtant avance (parfois) avec confiance dans le mouvement de sa propre auto-poësis.
Deviens ce que tu es, dit Nietzsche. C'est effectivement là affaire d'instinct et de spiritualité. Il me semble.
En tous les cas, je n'irai pas par quatre chemins pour vous dire que le dossier de la spiritualité qui va de Socrate à Maître Eckart, de Spinoza à Wittgenstein, en passant par Anna Arendt et bien d'autres, offre une épaisseur philosophique que soupçonne un peu la petite phrase de Garneau, mais pas du tout votre remarque.
Cela étant dit amicalement (...)
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Monsieur (...) bonjour

Juste un merci vraiment sincère pour votre commentaire étoffé et fort bien mené à partir d'une de mes remarques qui vous a titillé un peu concernant notre bon Michel Garneau. Votre texte intelligent ne peut que m'aider à mieux approfondir à une oeuvre importante.
Passez, je vous prie, une journée magnifique.

Hugues Corriveau
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Sur l'entrefait, j'ai reçu un beau petit coup de museau de la lune. J'ai flotté quelques heures en marchant avec mon chien qui m'a conduit au parc Pierre-Bernard. Tout ça se tient. Comme un théorème, dirait Michel Garneau.

Il vaut la peine que je cite juste un petit quartier supplémentaire pour éclairer dans le texte le passage cité et commenté par Corriveau.


la lune est un clin d’oeil d’éros
regardez-là rire avec son sourire croissant
elle se moque de nous très royalement
elle lance sur nous les chevaux arrogants de la nuit
ceux-là même qui nous font lunatiques
pour bien la servir
qu’elle s’amuse pleinement
quand les chevaux luisants
nous jettent dans nos cuisses
pour perpétuer le monde
en se croyant même égoistes
alors que la nature nous force
et c’est ce qui amuse tant la lune
à très altruitement perpétuer l’humanité
nous croyons jouïr nous perpétuons
nous nous croyons libertins nous génitons
nous ne voulons que le plaisir
mais l’instinct est spiritualité
ça nous enrage mais l’instinct est spiritualité
et ne cherche que le miracle de la naissance
que le plus grand des bougres bougrant
mime quand même

Michel Garneau,
Le museau de la lune
Éd. L'Oie de Cravan, 2006, 52 p.


22 novembre 2006

Alerte aux voyageurs en partance vers Cuba

Le gouvernement canayen informe tous les voyageurs en partance vers Cuba, y compris les pas d'allure, y compris les joueurs de clarinette, que le flou du régime s'est installé assez profondément sur l'île du cha cha cha. La mer turquoise est floue et les pêcheurs de poèmes ont l'air fous. Ne les maltraitez pas.





Même les lecteurs effouérés sur la plage sont flous crayonnés. C'tu drôle rien qu'un peu?

Cela a aussi des conséquences sur la qualité du rhum arrangé avec le gars des vues. Ne prenez pas pour du cash tout ce qu'on ne vous dira pas au festival de Cannes à sucre. On vous invite à la prudence la plus zélémentaire.

La télé nationale présente 24 heures sur 24 depuis six mois tous les discours avis de leur président malade qui ne l'est pas? Fidel Gastro se trouve donc en ce moment momifiée par le petit écran fleuve et prétend de la sorte avoir dépassé Lénine en longévité éternelle et naturalisée sans classe pour la lutte. Conflit politique potentiel avec les restants de communistes de la Haute Volka. De la petite bière à comparer aux grosses bédaines enragées de Florida.

Tout ça est de la faute à Robert Charlebois qui s'est écartillé trop jadis en chantant : Fidel, mon ami Fidel (...) sur une samba éternelle. Maudits Canayens-Français! Sont toujours fourrés partout! Comme des sauterelles.

Nous vous demandons de redoubler de discernement à l'égard des écrans de fumée et des méduses qui font du pouce là-bas pour se rendre au marché noir. Redoublez aussi d'attention : à la période de nowell, c'est PLEIN de Canayens-Françoys sur l'Île. On ne sait jamais avec leur langue tôt! Fumez-vous le cigare? Cela n'est pas de l'affaire du gouvernement, d'accord. Surtout si vous tirez une touche dans votre chambre à coucher. Ça ne regarde pas le gouvernement même si ce dernier vous regarde tout le temps, c'est normal. Cependant, nos renseignements passent partout. Nous vous mettons donc en garde au cas où à la Kazous zoo zoo zoo...

Bon, ben, c'est ça. Bon voyage dans la lune. Bon voyage quand même!














Photos : jd/c.latendresse, Holguìn, déc. 2005

21 novembre 2006

Intermission jazzéifiée ou la recette de la longévité



Chutt! Je ne suis pas là!

Mais c'est déjà l'intermission du pré-réchauffement de la soirée solidarité Off Jazz, jeudi le 23 novembre au Théâtre Plaza.

D'accord! Je suis addict au blogue.

Par pur pur pur exhibitionnisme, voici donc le résumé des préparatifs tellement énervants que nous avons survécus au cours de la journée.

Billets doux à ma gagne de malade.

Ma gagne de malade,

Faites bien de venir au jazz. C'est une recette de longévité bien gardée. La preuve : le jazz lui-même a plus de 100 ans!



Bien gardés au froid bleu de l'espoir, vos billets - avez-vous vu la liasse? - sont au frigo jusqu'à jeudi. Je me suis d'ailleurs trouvé un frigo bleu pour l'occasion. Simple accommodement raisonnable pour la note bleue qui ne saurait voir à travers les vitres grises de l'ennui tout cru.

En me promenant sur le Plateau, oui ma chère, avec c'te gagne de tickets dans les poches, je me suis pris un instant pour Donald K Donald... Euh, non! lui il est dans la mafia du rock! Je veux dire que j'ai dû me prendre pour le petit Simard Spectre Scènes Brodway Mur Rà Mur Montréal inc. Des farces! Sensation qui ne pouvait pas durer de toute manière puisque je n'ai aucune subvention pour mes oeuvres sans buts. Lucra quelque chose... Alors, j'ai dit : Off!

Sexologue Miche., merci de ta fibre sur mes cordes sensibles. Ça me fait toute une différence sur mon humanité visible et tellement bougeante! Reste pas assise deux minutes à la même place, c't'humanité! Parlant de places, Miche., faudra apporter des coussins, des foulards, des cartons «réservé» pour marquer notre territoire. Veux-tu que j'amène Lucky mon chien? Non, il n'a pas de puces. Nous sommes douze! C'est moins qu'Hydro Québec, mais comme le notait Gilb., c'est quand même 5 % de la salle. Or c'est un vote proportionnel. On mérite notre place. Je compte sur ton sens de la Gèremène.

Voir sur le frigo : vous êtes tous là en puissance comme dirait Aristote. Puissance d'oreilles et d'âme, foutu mélange dans les canots universels. Et Michèl.. Et Sylva. Merci. J'aurai moins froid dans mes bas de laine encore gênés parce qu'ils n'ont pas encore sortis beaucoup en ce début de saison.

.

Je suis généralement toujours en retard partout. C'est à cause de l'étincelle du bon Dieu qui est en moi. Alors, je m'attends à vous attendre au poste frontalier vers 18h31 tapantes. J'aurais pu dire 18h37. J'ai quand même pas la tête à Pépinot! Les portes ouvrent à 19h00. Si vous arrivez autour de 19h00 et plus, je devrais donc être planté là malgré mon retard habituel! Mais mais c'est sûr que je vais être là. Je ne mangerai pas ce jour là! Faites-moi penser de ne pas oublier la liasse à la maison. Trop con!

Alors, questions?

Non? Y en as-tu qui ne me reconnaîtront pas à la porte? Dois-je porter mon coquelicot de la semaine passée? Ok d'abord!

Perfecto, c'est dans la poche... (Sexologue, reste tranquille!)

À jeu dit.

Jacques a dit.

Photoroman: jd

20 novembre 2006

Par la fenêtre...




Par la fenêtre aujourd'hui, qu'ai-je vu?

Ce matin, très tôt, j'ai lu les beaux petits poèmes sans noms de Maxime Catellier (Internat, sur son blogue...). J'avais les doigts gelés, je revenais du parc avec Lucky, le chien. J'ai toujours aimé les images du surréalisme, cailloux, hiboux, choux, poux, joujoux qui veulent sortir du chemin bordé de sang. 

J'aime les braises de perdrix et de sarcelles des savanes qui se répandent jeté la nuit sur le lac Écho.




Il écrit :
«Simone est courante,
de tous les poivres noirs :
pic ou pic, do et la,
les notes précieuses de l’air
s’énervent immobiles




Cet après-midi, j'ai parlé à Stev., l'arpenteur,


que j'avais mandaté plus tôt pour faire un levé topographique à Waskaganish. Je sais, habituellement on fait des films avec les arpenteurs. Ou bien des livres de gâteaux comme dans Le Château de Kafka. Mon univers contractuel est bien plus terre-à-terre. 

Puis, comment ç’a été? Oh! Y faisait fret en titi! Frisait le - 10 la semaine passée. Avec des vents! Ventait tout le temps. Ça vous prenait de bons pics pour mesurer! Oui, du bon matériel. Et beaucoup de volonté!










Par la fenêtre aujourd'hui, j'ai pensé aux habitants de Waskaganish et à leur majestueux pays. Là où le vent arrive avec du coffre dans le ventre pour façonner la liberté, l'enracinement. Imaginons maintenant l'altitude du regard.













Passent pas souvent à la télé les gens de Waskaganish!

Ce soir, par ma fenêtre bleue, un train.

Voilà, c'est dit. Une autre fois. 

Comme une prière. 

Pour voyageurs impénitents.





Pour achever le plat, j'ai reçu de Anne Simernetski (nom d'artiste Simera)
un mot gentil qui me donne la permission de vous montrer cette composition (acrylite et collage, 2006) qui a pour titre :

Au travers d'une Fenêtre, train de nuit.


Hum! « Place à la magie »!


P.-S. : je disparais pour un bout avec peut-être une inter-mission le 23 au Off solidarité. Le jazz, quand même!

18 novembre 2006

Slam Québec



«La SLAM s’intéresse par-dessus tout à la poésie, donc aux gens. N’importe qui est un agent poétique. Il suffit de le lui rappeler

Suite à Slamer Déslamer à Montréal (cf. mon entrée du 11 novembre avec les commentaires du Rimailleur, de Superk...), il me fait grand plaisir de publier, avec sa permission, un courriel en plein dedans jusqu'aux dents reçu de IVY en ce samedi matin grisonnant.

Comme il le mentionne, on y trouvera des réflexions sur le vif et on ne peut plus actuelles sur l'âme du slam qui émerge au Québec. IVY a un complice de la ville de Québec avec lequel il est en dialogue. La Capitale sera contaminée prochainement...

Wô bec! Tout cela s'annonce de bon augure.

Contribution de fond. Très généreux. Enthousiasmant!

De quelle couleur est la vie, en effet?

Merci IVY.

_______________________________

Yo Jacques,

Mé mé mé mé c’est donc bien tripant ton blogue ! Discussion sur la SLAM. Yé. En fait, ce que j’ai sur mon site date un peu. Je ne le défini pas vraiment, en fait, je m’attache plus au spoken word (en parlant de rythm and poetry). Je te liste ici des échanges que j’ai en ce moment avec André Marceau du TAP (tremplin d’actualisation de poésie) à Québec et qui devrait lancer des soirées SLAM à Québec à partir de l’an prochain (pour que Québec fasse partie de nos finales à l’automne 2007!).

Si t’as envie, les extraits suivants permettront peut-être d’éclairer la discussion des blogueurs. Merci pour ton initiative super chouette.



1) «Je vous écris pour vous faire part d’un emballant projet qui conviendrait grave à votre orientation : les soirées de SLAM poésie. La SLAM, c’est une compétition amicale de poésie avec des règles, créée à Chicago par l’américain Mark Smith au milieu des années 80. L’Engouement du côté anglais est phénoménal depuis ce temps. Il y a une ligue américaine, canadienne-anglaise et française – vous avez sûrement entendu parlé de Grand Corps Malade ? eh bien, il sort de ces scènes-là. À montréal, j’ai pris l’initiative de fonder un groupe, le groupe slamontréal, avec Bertrand Laverdure, Jonathan Jonas Lafleur et Catherine Cormier-Larose. Notre premier banc d’essai (nous en ferons 3) a mis en scène 11 slameurs soumis aux règles (en gros : 3 minutes, chrono en main (pénalité si dépassement de temps), textes poétiques originaux et en FRANÇAIS, aucun accesoire, costume ou mise en scène, jury formé par le public. Une première manche permet de conserver les 5 pointages les plus élevés et assure une seconde manche les heureux élus qui y vont d’un second texte poétique. En tenant compte des deux résultats, on détermine ensuite le grand slameur (ou slameuse) de la soirée. Le gagnant se mérite une place en finale à la fin de l’année). (IVY)


2) «En effet, la SLAM a été conçu au départ pour niveler le fossé entre les poètes académiques et ceux dit de rue. Même si cela a échoué (en fait, partout où les scènes SLAM ont émergé, ce fossé s’est même creusé), l’idée reste qu’un art oratoire percutant, envoûtant, peut emmener la poésie beaucoup plus loin que le poème écrit, destiné à être lu dans des milieux spécifiques d’amateurs du genre – forcément restreint. La SLAM abolit en quelque sorte le poète pour mettre en scène des slameurs : rappeurs juvéniles sans beat, polémistes sociaux, déflorateurs de bonne conscience ou prospecteur d’inconnu, créateurs originaux, souvent boudés par les rencontres de la poésie publiée – tu sais de quoi je parle. La scène SLAM est la porte ouverte sur le monde rugissant de la poésie davantage que sur le poème. En plus, elle oblige les slameurs à écrire (un slameur ne peut déclamer le texte d’un autre). Donc, si les poètes sont le milieu naturel de naissance de la SLAM, cette dernière se comporte ensuite librement comme un enfant envers ses parents : elle est autonome. Re-donc, si tu dois, au départ, te creuser les méninges pour encourager les poètes à se mettre en jeu, même en lisant avec des feuilles au micro, il ne faut jamais perdre de vue l’immense apport des slameurs potentiels non révélés par le milieu de la poésie et qui sommeillent dans les assos étudiantes, dans les polyvalentes, les universités et souvent autour d’OSBL à caractère social. (IVY)


3) «C’est une expérience très dérangeante pour le petit milieu bien ancré dans ses habitudes qu’est celui de la poésie au Québec. Par exemple, au sein même de mon groupe, notre grand poète Bertrand Laverdure regimbe à ouvrir l’espace à quiconque le veut. Un poète comme Jonathan Lamy, l’un des participants à notre première soirée, s’inquiète énormément de la « popularisation » du poème (dans la SLAM, l’oralité étant fondamentale, les slameurs ont recours à des stratégies selon lui éculées (après tout, la poésie ne rime plus depuis un siècle et demi) comme la rime, la récurrence). Ouvrir l’espace poétique au populaire, c’est une régression selon lui, comme si l’art devait évoluer (beaucoup sont victimes d’un Darwinisme douteux issu de leur formation universitaire). Mais enfin, cela est bien théorique, mais mérite d’être souligné. Côté média aussi, la venue de Grand Corps Malade a Montréal, pour aider la SLAM, brouille un peu les cartes, car tout le monde aura tendance, influencé par les médias, à croire que la SLAM C’EST GRAND CORPS MALADE, alors que, bien sûr, c’est faux. Si Fabien (son vrai nom) effectivement est un slameur, il l’est bien parce qu’il vient des scènes slam et qu’il continue à s’y investir, et surtout parce qu’il respecte à peu près le principe : 3 min, sans accessoire. L’urgence de créer une ligue, de baliser les soirées et de penser à une stratégie de communication et de développement me semble essentielle. Cet aspect aussi mérite qu’on s’y arrête. Pour Bertrand, par exemple, c’est nous, les organisateurs, qui influeront sur la couleur de la SLAM au Québec alors que moi je pense plutôt que c’est les différents slameurs, à force de monter sur les scènes et de peaufiner leur style propre, qui vont s’en charger. Voilà pour le cours de mes pensées actuellement. (IVY)


4) «L’idée d’ouvrir la scène à tout le monde, non seulement aux poètes mais à tous ceux qui veulent interpréter un texte de création, réponds aux vœux initiaux du fondateur du genre, Mark Smith. Ce dernier, en effet, souhaitait abolir la distance entre les poètes académiques et ceux de la rue. Cette intention s’est traduite aussi dans l’idée d’abolir la distance entre le public et la poésie, de la ramener en quelque sorte dans le giron des préoccupations journalières – comme la musique qui sait maintenant ponctuer les activités de la journée (et qu’on apprête à toutes les sauces, sur toutes les chaînes radio). Même si dans les faits (et l’effet…) la distance entre les poètes et les désormais slameurs s’est accentuer, il reste que partout où la SLAM a émergé, le grand public accepte maintenant l’idée qu’un spectacle de poésie peut s’adresser à tout le monde et être agréable voir tripant même pour ceux qui ne sont pas dans le secret des Dieux de la fabrication poétique. « Le fonctionnement habituel des ligues américaine et française » pour reprendre ta phrase stipule que quiconque le veut peut s’inscrire, pour autant qu’il y ait de la place ; sinon, son inscription est reportée à la prochaine SLAM. J’imagine par ailleurs qu’un fauteur de troubles peut se voir refuser l’accès. ET TU AS TOUT À FAIT BIEN COMPRIS : la SLAM n’est pas une forme de poésie, mais une forme de soirée, si l’on peut dire : une soirée dans laquelle les participants sont en compétition et où chacun « performe » (horrible mot) un texte poétique de sa création ne dépassant pas 3 min et sans l’aide d’aucun accessoire. C’est clair que l’émergence des scènes SLAM va permettre de mélanger les genres, mais aussi de favoriser l’émergence de performeur spécialisé dans les formules punch, attrayantes pour le public, un peu comme un Grand Corps Malade sait le faire. Précision et aparté : il y a 12 ans, dans une conférence prononcée dans le cadre du CEULA à l’UL, à Ste-Foy (à l’époque), j’ai attiré l’attention sur le besoin de préciser les termes dans les enjeux (ou débats) entourant la poésie ; j’ai alors beaucoup réfléchi et établi les précisions suivantes qui me semblent capitales : il y a trois données fondamentales dans le champ qui nous intéresse 1) la poésie 2) le poème 3) le poète. La poésie, c’est une intuition, une sensation, un mouvement qui anime l’être humain qui se traduit par la totale liberté qu’il a de faire sens, et ce, depuis la plus tendre enfance (pensons aux enfandises par exemple (style : Jean Leloup chante « La vie ce n’est pas rose, la vie ce n’est pas rose » et ma fille, alors âgée de 4 ans, me demande : « alors, c’est quelle couleur la vie ? »)). La poésie pensée comme une libre énergie, une dispersion active de la liberté, un enthousiasme, un feu, une ignition : l’éclair de la conscience qui fait corps avec la matière (et non un éveil philosophique : un éveil charnel, sensible, dans la matière). La poésie est ce qui spécifie l’activité humaine, car elle permet de ramener le monde des idées à l’empirisme des sens. C’est la clef de toutes les errances, une voie royale de connaissance comme dirait Césaire, une issue pour sortir de la Samsara dirait Bouddha. Le poème, lui, c’est un objet, un outil, il s’inscrit dans une culture, dépend d’un langage, correspond à un certain nombre de clichés historico-sociaux de la culture dans laquelle il est fabriqué. Il appartient à la littérature. Le poème, c’est le faire, dont tu parlais. C’est le médium linguistique, le matériau d’un artisan ou artiste du langage. Il est sujet à débat, crise, etc. C’est un acte d’insertion sociale. Le poète, lui, c’est le spécialiste qui fabrique des poèmes – je laisse de côté l’expression populaire qui veut qu’il y a des poètes du foot (Zidane, par exemple…). Le poète, c’est l’être vivant fabricant les poèmes dans lesquels on retrouve parfois, avec un peu de chance, cet élan si caractéristique de la poésie. Si on applique cela à la SLAM, c’est clair que cette « discipline » n’apporte rien au poème : elle n’est pas solidaire de la recherche littéraire, ne cherche pas à s’inscrire dans un courant. Elle n’est pas non plus le fief des seuls poètes, qu’elle neutralise d’ailleurs sous le vocable slameur/euse. Mais la SLAM favorise, par l’événement spectaculaire qu’elle induit, par la présence physique du performateur qui oralise un texte, elle favorise le libre jeu de la poésie et la pénétration de cette énergie a-morale, sensuelle, une énergie qui combat les idées toutes faites, qui s’oppose aux abstractions destructrices de notre « humanitude ». La SLAM, c’est la poésie au cœur du monde. La poésie libérée des carcans du poème. Une énergie mise en commun qui augmentera son influence en fonction des événements qui permettront de la libérer. La poésie, c’est la réponse humaine à Dieu et au monde insensé. C’est la liberté de faire sens. C’est la création en création. (IVY)


5) «Dans l’optique de la SLAM, il importe peu que la notion de poème soit définie (c’est l’aspect du spectacle le moins régenté, outre par le 3 minutes, le slameur peut dire à peu près ce qu’il veut dans la forme qu’il désire) : mais il est toutefois fondamental de s’entendre au moins sur la notion de poésie, dans le but de favoriser la libre activité de son énergie. (IVY)


6) «est-ce qu’on s’entend que la poésie est un ÉTAT et le poème (qu’importe son «apparaître») un OBJET ? Quand je dis que la SLAM est une porte ouverte pour favoriser le libre jeu de la poésie dans le monde, je n’incite pas les gens à lire plus des poèmes, mais à retrouver le réflexe poétique (de l’enfance diraient certains…), cet état si caractéristique de notre espèce et qui se traduit, d’abord, par la liberté de faire et de débusquer le sens par l’entremise de la sensualité. La liberté de faire image, si tu préfères. Surtout que les poètes, souvent vecteurs de poésie, sont ni plus ni moins que les spécialistes de l’image. Il y a donc chez les praticiens du poème, un savoir qui n’est pas à négliger, mais qui n’est pas obligatoire pour appréhender la poésie. La SLAM s’intéresse par-dessus tout à la poésie, donc aux gens. N’importe qui est un agent poétique. Il suffit de le lui rappeler. (IVY)

Hôtel Cody

Au sud de la province textile,
par-delà les chemins tordus que je croyais secrets,
le vent ébouriffait à l’envi les images de chameaux d’or
qui pétillent
dans la neige turluttante

C’était beau et fret.

Mais comme un faux-monnayeur de voyage
mal équipé, givré, en panne,
je devais m’arrêter

à l’hôtel Cody

Ça sentait le miteux, le tonneau de bière,
la fripouille, le cow-boy local, le tapis imbibé
et quelques filles à bras le corps

J'ignorais tout de l'alcool
et du dernier quartier d'hiver

La toile était baissée
Planqué comme un orphelin des steppes
parmi les pimbinas, les bûcherons, les révoltés

Peut-être que je te cherchais, mon ivrogne?

Pour déclamer cette soirée saoule autobiographique
qui s’infiltre en zigzags comme une couleuvre
entre les heures bourrées de caféine

Avec des voix de cornet en-travers de la tête...

La radio pisse du vinaigre de bêtes
pleurniche par le trou du vide
de la chambre vert pomme et gin,
avec des rouleaux de vieux verbes
et de la météo mentale.

Je suis gelé comme une balle
et il y a des halos de boucane impromptus
qui tapissent les murs de mes anciennes vies de fou.

Comme une mère prise dans son silence de morse,
la lampe éteinte m’offre ses condoléances

Je voudrais pourtant juste dormir!
sans tambour ni trompette

Mourir peut-être aussi...

Deviner une dernière fois
les idées qui s’enroulent,
les désirs qui s’embrouillent
en plongeant dans le roi désert
de mon cerveau enfariné,
de plus en plus écorché
par le sprint du solo de guitare électrique
qu’on entend venir du grill encore ouvert...

Descendre au bar incognito,
fripé au max comme un brouillon,
l’air de sortir d’une crevasse de la lune
avec une barbe de quatre jours
comme une défaite morale?

Ben...
Je n’ai pas le choix!
J’ai des coliques et des guenilles dans le ventre,
des spasmes...
Je ne suis pas dans mon assiette!

J’ignorais tout de l’alcool
et du smashe qui pète au fret.

Et voici tout de go
dans le décor de bouleaux blancs et d’étoiles bleues,
une blondine sans dentier ni frontières
qui dégage du vieux spray net de star déchue,
assise sur le bout du tabouret noir à pitons,
tout près de moi...

Elle commence à couiner sérieusement
dans sa roue de bicycle de fièvre

Elle s’intéresse à moi, pauvre cloche!
me zieute, me dépiaute,
me contamine,
m’absorbe!

Elle me caresse la joue
tellement que je suis fin!

Mais qu’est-ce qu’elle me dit?!

Au milieu de la poudrerie et du vent qui écornifle,
les vitres jaunes et rouges de l’alcôve
sont en rut

Je suis ligoté ben raide
dans le lasso de lumière
de cette indienne à voile
qui m’emporte
avec ses histoires de gironde
à coucher dehors

à l’hôtel Cody

Elle me tricote une tribu de femmes invisibles
des mortes, des vivantes, des grimpantes...
qui capturent par télépathie
l’éternité à gros grains

Puis, interlude dans la prière de ses yeux...
«Tu es de mon peuple!»,
me dit-elle soudain.

«Préfères-tu les filles ou les garçons?»

Maudit torieu de baptême!
J’aimerais ça des fois
être un gros taupin, un dur,
un sans coeur
un bélier
un remmancheur d’os indépendant
qui couraille comme il le veut
entre le tempo des mots épelés...

Hein, ma belle?
Faut pas partir en peur!
Faut pas charrier non plus!

Je ne suis qu’un pauvre camionneur.
Un camionneur... en réparation

à l’hôtel Cody.

15 novembre 2006

Il faut vendre Verling!




Mon cher Docteur Fracasse,

J'ai ouï dire que passé minuit votre médecine prenait appui
sur un océan blanc sauvage au-dessus duquel rôde une peine infinie
un réservoir de larmes qui fait le scaphandre et glougloute
en bruits verveux de front de siècle

il paraît que votre calendrier sent la vieille cale
et le slang des méduses
que votre table est taillée dans le vif des classes sociales
que votre femme a peur dans le noir

On dit qu'il y a un blocage

que votre pharmacie n'y peut rien ni votre gynécologie
ni l'avalanche des dictionnaires tordus par le hasard imberbe
ni les cicatrices de feuilles de tabac

Selon la rumeur, votre cardiopathie
démobilise les heures perdues à écrire
dans les crachoirs de l'histoire en panne

On croit savoir aussi que la musique lascive
étale la dépression en long et en large
sur les murs nuls de l'aube
qu'il y a du rabougri du mou de panaris
autour des cactus de l'esprit
que le néant craque sous la vase
que le désert s'installe dans votre lit
comme une flaque d'acier qui fige la plage

On dit que vous crayonnez dans le suif de la nuit
une barque de sang d'encre mordue de spleen et de lapsus
et qui tangue humblement contre le lyrisme de la pudeur

On pense que c'est le verbe de l'hémorragie
pour l'humanité veuve de flèche

Les mauvaises langues racontent plutôt
que vous sécrétez de la bile
dans la nitescence rêveuse
pour être plaisant à l'oreille draconienne

que c'est le phantasme en abyme
de la petite gloriole imaginée
avec la gueule de l'ouvrage

On raconte que, chez-vous, le glas sonne
dans les entrailles du nihilisme

que la rafale du vide est dans Nietzsche

que la destinée a le bec long
que le vent donne des coups de ciseaux
d'ailleurs tout est de trop
même la solitude empaillée de votre femme
même le doute polygame sur la page

on chuchote, je ne sais pas moi,
que le silence est rouillé de peur
sous votre signature

qu'il n'y a plus que le mirage de cette petite phrase de pouture sèche, incertaine, bizarre, grise comme un os centenaire,
raide comme un vétéran des lettres en vermicelles
et qui fait le préfet missel ou le rabot dans la gorge

Mon cher Docteur à pattes de mouche,

peu importe la brume et la Grande Ourse de la gémellité,

Il faut vendre Verling!

Car votre souffle comme le mien est compté!

Les orages de Vanier, les provocations les drogues oranges
les pénitenciers de l'ivresse le marteau du ferblantier
les baiseurs marmelade du postmoderne,
tous veulent zébrer le paradis sidus!

Et le hile de vos patients une fois guéri s'en va lire ailleurs!

Mon cher Docteur, la mélancolie est ponctuée starisée
sur l'autel des auteurs déçus et la biche brame au clair de lune

Il faut pardonner au pan du ciel mal boutonné ce témoin du navire chaviré en chagrin ce coquin de galop il faut pardonner à ce petit garçon de douze ans qui a perdu son chemin et qui ne sait pas jouer du clavecin et qui fume du chanvre indien

Il faut vendre Verling!

Et ses grands jardins poudreux de papillons à la mémoire camée
que de longs manteaux anglais balaient sous les hêtres
avec les épines de l'oubli
alors que marchent en sens opposé les faux amis
en conversation rompue avec des mères géraniums dans le regard
et des orgues de Barbarie

Il faut vendre et empocher la revanche et laisser glisser de vos mains d'échassier
le flacon sonore l'écarlate prescription :
besoin immédiat d'accouchements
de monde rural, de joues rouges, de bras grands ouverts
besoin immédiat des cerfs de l'avenir
de cerisiers
de cagoules fériées, de ruses, de nacelles, de vers à chou des ruelles, de carafes de joie, d'eucalyptus, besoin de jeux et de cacao,
besoin du monde pluriel, du sein et de la lumière de votre belle,
besoin de genièvre et besoin de reparler à la tristesse
en robe de chambre sur la Voie lactée,
besoin de Socrate et de ciguë pour la tôle enchâssée à votre âme et conscience

besoin immédiat du poème juste avant mon père,

Williams Carlos Williams,

besoin d'ouvrir la porte aux grands poètes

besoin d'ouvrir la porte...

Mais d'où sort-elle cette pluie fuse cavalante
qui strie la joue des gitans en avril,
circule verlan nue et prête aux chiens rabiques
un air de vécu travaillé?

Mon cher Docteur, ne faites pas la grimace!

sans crier gare

Il faut vendre Verling!

Et il faut racheter Jacques Berridada!

Et sous la mitraille,

dans un siècle ou deux,

de loin en loin,

un pigeon voyageur reviendra voir votre alambic

avec l'ardoise du recommencement.

Il fera nuit claire comme en ce moment.

Le message renverra à d'autres mains,

tombera comme un pic sur la corde du temps.

Avec un brin d'herbe,

il nous dira peut-être le chant incertain.

À travers les branches,

il tressera la mort et son contraire.

Et on se remettra à jacasser avec la pie du monde égaré.

On dira : quel beau ménestrel!

On dira, on soupèsera...

On dit, on dira

que chez-vous il y a de la vague

et que c'est encore l'heure

de tout foutre en l'air!


Photo : jd.

14 novembre 2006

Carnets pelés 7 - Un passé qui ne passe pas

Crédit photo : Josée Lambert
15 juin 1998

Madeleine Gagnon est alors âgée de 60 ans. Je l'ai croisée une fois par hasard sur la rue St-Denis, sous le clocher de l'UQAM. Nous avons échangé un sourire. Pas un seul mot. Un beau sourire profond qui reste à demeure, se creuse un nid pour l'éternité. Je pourrais épiloguer des heures sur cet ange un peu blessé qui m'a souri, qui m'a reconnu.

L'année suivante, Madeleine avec sa plume traverserait dans ses petits souliers le monde et sa misère en arpentant la cuisine des femmes, ces tranchées oubliées de la guerre. De la guerre? Quelle guerre? Quelles guerres, dites-vous!? Ces guerres de salauds qui hantent nos salons ronronnant : Macédoine, Kosovo, Bosnie, Israël-Palestine, Liban, Pakistan, Sri Lanka... (Les femmes et la guerre,VLB, 2000). C'est juste, c'était avant celle en Irak...



La guerre, le meurtre, le viol « obligé »!  Plus que l'exil, moins que la chance de survivre? Je m'appelle Bosnia, VLB, 2005, cf. extrait du Point).

L'écriture est plus que l'écriture.


15 juin 1998

Madeleine Gagnon, qu'est-ce qui a fait venir en vous l'écriture?

Les livres que j'ai lus. Les livres que ma mère a lus. C'est-à-dire, « son regard de béatitude. »

Pourquoi écrivez-vous?

Pour essayer d'entrer dans la voix des connaissances. « Écrire pour aller ailleurs ».

L'écriture ou la vie. Sinon, on est pour toujours exilé dans sa propre écriture.

Écrire pour aller Là où les eaux s'amusent, dans le bout d'Amqui?


16 juin 1998

Comment apprivoisez-vous le temps de l'écriture, la pulsion d'écrire?

« Si on veut, on peut. Il faut vouloir beaucoup. J'ai renversé mon horloge biologique pour écrire». Il faut se réserver une plage de temps. Il faut couler l'écriture dans le quotidien. «Moi, c'est entre 14h00 et 16h30. On devient alors plus efficace. [...] Avec des enfants, ça demande une discipline incroyable. J'ai appris à écrire dans ma tête. Le temps de l'écriture devient alors de la transcription. Car personne ne peut empêcher l'urgence du surgissement de l'écriture. Personne, ni enfants, etc. »


23 février 2005

Constance et érudition. Madeleine Gagnon,

« Les grands écrivains de ce monde sont des gens qui ont à la fois un bon potentiel créateur et de bonnes connaissances théoriques de la chose littéraire. Rimbaud était non seulement un grand poète, mais aussi un érudit, qui savait lire le latin et le grec. Au Québec, peu de gens connaissent à fond la littérature québécoise comme Victor-Lévy Beaulieu, même s'il a peu fréquenté les milieux universitaires. » UQAR-INFO


14 novembre 2006

J'ai rencontré Madeleine Gagnon une fois sur la rue St-Denis. Si je ne confonds pas, je l'ai vue une autre fois en 1981 dans un colloque autour d'Artaud. Je garde l'image de son sourire comme un oiseau libre un peu blessé. Et c'est pareillement que j'accueille son écriture libre, rigoureuse, nécessaire, coulée dans le quotidien.

Je lui prête ici et là quelques guillemets vraisemblables puisque je les glane parmi les notes que je prenais en écoutant les émissions littéraires de Radio-can, du temps où elles existaient!, Traverse, en l'occurrence, du 15 et 16 juin 1998.

Permettez, Madeleine, que je reprenne mot à mot une dernière question que vous a posée Caroline Chabot du journal Le Libraire :

- Pour quelle raison vous êtes-vous replongée dans la guerre?

«Je veux qu’on comprenne le rôle que jouent les femmes là-dedans depuis toujours. Qu’on arrête d’accuser juste les hommes de faire la guerre; les femmes, elles les ont élevés, les petits guerriers. J’en ai rencontré plusieurs…»

***

Sélection de titres pour revenir ailleurs?
Antre (1978), Les fleurs du catalpa et L'infante immémoriale (1986), La terre est remplie de langage (1993), Le deuil du soleil (1998), Rêve de pierre (1999)...
Madeleine Gagnon

Extraits de La terre est remplie de langage:



Cette sagesse ancienne ne s'est pas oubliée
elle dormait telle l'enfance
seule l'éveille à présent
l'encre
souffle liquide
(c'est la matière qui pense)

[...]

Mais nous avons la musique!
Nous avons inventé une langue qui traverse
toutes les autres; qui, même, éclaire les
autres. « Hé, les choses, nous avons
inventé la musique! Nous avons créé une
langue capable de franchir tous les
territoires, entendue par tous les êtres. Sans
traduction... Hé, les choses, réalisez-vous [...]?


13 novembre 2006

Patin libre!


C'est bien connu, les cols bleus de Montréal ont le sang aussi chaud que les outardes. Aussitôt que l'air se tiédit, on sort les planches, les scies, les marteaux, on assemble les bandes. Puis on attend que la glace puisse prendre.

C'est très politique la question des patinoires. Dans le quartier, un jour, l'administration Doré (à l'époque) faisait dans la rationalisation. L'hiver d'avant, un checkeux avait été assigné pour compter le nombre d'enfants à l'heure qui chaussaient les patins. Conclusion : pas assez de fréquentations au Parc Liébert. Alors, si peu que vous êtes, allez jouer au hockey au parc voisin. Ouais! Pendant ce temps-là, tout l'automne, l'ouvrier affecté à la patinoire Liébert venait faire son temps pour la frime, la rationalisation n'ayant pas encore pensé qu'il fallait réaffecter ce bon bougre ailleurs. Alors, il répondait aux marmots ou aux parents qui s'inquiétaient de plus en plus, voyant bien que les bandes n'étaient pas encore installées : «Mais, y en n'aura pas de patinoire c't'année! C'est trop coûteux, y para. Pas assez d'enfants...» Mais vous, que faites-vous ici? «Je ne fais rien, Monsieur. J'attends.»

Ce petit fait d'hiver a mis le feu aux poudres. Loisirs, comité de parents de l'école et citoyens rencontrèrent le très jeune conseiller municipal d'alors du nom de Scott McKay, sous la bannière de «gauche» du RCM, le même qui préside aujourd'hui les destinées du Parti Vert, un «parti qui n'est pas à gauche», tient-il à préciser.

À la rencontre, le conseiller s'est montré fort sympathique et compréhensif. Mais savez-vous combien cela coûte une patinoire? Un bon 12 000 $ (à l'époque). L'autre parc n'est pas si loin, une dizaine de coins de rue... Ouais, mais pour les petits, les patins et tout le bataclan? Regarde, en rationalisant nos budgets, on pourra en mettre plus sur la culture...

Il n'y eût pas de patinoire cet hiver-là.

Aux élections de l'automne qui suivirent, Scott, pourtant si populaire, a perdu son siège.

Depuis, à chaque automne, quand le temps tiédit pour la peine et que les outardes sont déjà parties dans le Sud, les cols bleus de la ville viennent jeter les bandes au Parc Liébert.

Combien ça coûte une patinoire? Combien ça coûte des enfants qui jouent dehors?


Photo : jd, Parc Liébert, 13/11/06

Au fait, «C'est quoi la philo?»




L'hiver s'en vient, sortons les polars!

Tiens, l'ami Merle vient de nous en tricoter un autre.

C'est tout chaud.

Il me dit :«là, on est ailleurs que dans la poésie...»

Ouais. D'accord.

Mais on ne peut pas prendre le Train seulement qu'avec René Char.

Grand lecteur de polars, un fan de Montalbàn, René Merle, l'historien, le poète, est passé à l'écriture au noir vers 1995 suite à quelques hasards survenus dans le contexte de la montée de l'extrême-droite, chez-lui, à Toulon : «...ça m’a amené à traiter l’Histoire avec un autre regard. Il fallait que ça soit vu par des personnages, que je fasse un aller-retour entre le présent et le passé, et que cela corresponde à quelque chose, que ça ne soit pas artificiel.»
Filigranes, 2001.

René Merle, C'est quoi la philo?, L'Écailleur du Sud, France, 2006
ISBM2-914264-98-4

11 novembre 2006

Slamer, déslamer à Montréal

Voir fait mention cette semaine d'une soirée Slam, au Bar les Passages, 951 Rachel Est, le 13 novembre.

Bien, on allume!

C'est quoi le Slam? Le Slam est une espèce de punching bag inventé par un gars de Chicago, Marc Smith, en 1986. C'est un jeu qui vise à dégourdir l'art de faire un spectacle de poésie pour mieux rejoindre le public. La joute est une compétion verbale amicale entre poètes qui vise la sincérité et l'effet collectif de la poésie.

Smith a tripé sur le mot Slam en référence notamment au baseball (glisser pour atteindre le but), au claquage de porte, au garochage d'objets sur les murs, etc.

Le phénomène semble avoir du succès en France. En tk, il y a une pléthore de blogues reliés à ce mouvement, comme cet exemple au hasard parmi des dizaines : Istina

Ici, le principal organisateur de SLAMONTRÉAL est le poète Ivy . Ses complices sont Bertrand Laverdure, Catherine Cormier-Larose et Jonathan (Jonas) Lafleur et ils visent à mettre sur pied une ligue de Slam pour janvier 2007.

Sur le site d'Ivy, on trouve ceci:

Spoken word et SLAM - Poésie parlée

«Il ne s’agit pas de poésie lue ou oralisée. Ce n’est pas non plus des poèmes ou des textes mis en musique après coup, ni du RAP, bien que l’acrostiche lui sied bien (RAP signifie « rythm and poetry »). La poésie parlée est faite « pour être entendue comme la musique » (Ferré) et repose donc sur des notions littéraires et musicales. Ce n’est pas le désir de raconter, mais celui d’habiter le sujet et de le faire vivre par le rythme qui motive le poète. Spoken words, SLAM poésie reprennent à leur compte le plaisir du mot et réinventent, aux temps modernes, les tirades inspirées des temps anciens où le poète parlait le langage des Dieux - et en direct, mes ami(e)s !»

Le ton me semble moins communautaire que chez Smith. Mais donnons la chance aux courreurs et laissons slamer les slameurs.

Intéressant, n'est-ce pas?

10 novembre 2006

On voudrait tant qu'elle tambourine



À même les nuages qui grimacent,
l'automne ravale sa dernière poignée de somnifères
crachotant ici et là froid de brume
sur la rouille échevelée de la forêt supervirente

Les araignées grattent le fond de l’air
sur les contrebasses de l’invisible

Une perdrix vermiculée en statue de glaise grise,
dessoudée de son amour,
pour ne pas abîmer le désir, la survie plutôt
attend interdite sous les cèdres qui dégoulinent

Elle percole du cryptique sur le sol granuleux,
des graffitis, des espèces de soucis pulvérulents,
des zigzags en beurrées de cafouillis
pour les fourmis savantes en service jusqu’à la tombée

Avec sa queue fanée, en berne
fardeau inutile, jeûne sans apparats,

loin de la prairie qui l’a vu naître,
dans cette savane sombre,
tatouée de traces de guerriers,
elle traverse le qui-vive
en attendant le mauvais quart d’heure

Le cœur se débat
plus vite que le temps accroché
au sort qui en est jeté

Car l’ombre barbare émerge,
croasse de corneilles épluchées
dans la tranchée où barbotent
les portes du ciel fermées

Silence des mulots dans leur débarras,
prudence des grenouilles gelées
qui se regloupent au fond de l’étang
pendant que le chien braque au regard doré
renifle à travers les feuilles en tas,
bécassier idéal à la robe tachetée...

Mon Dieu que la veine de ce jour est noire!

Dans la filature du bois mauve
le moindre craquement broie les ailes

La prisonnière sur les épines
tourne un oeil, glisse une patte...

Le bon boubou, vandale à l’affût
gavé comme un professionnel,
se brasse le cul, décode les nœuds

Son museau est un mille-pattes
qui allume les idées,
charrie dans la piste un fleuve de bave

La petite poulie de nerfs
décoche un fil qui calcule ses chances

ô courant d’air par le chas de l’aiguille
ne fais pas dans la dentelle! Ne m’oublie pas!

Vole vole donc vole donc vole donc

Vole! jusqu’à la cime de la pruche noire
d’où l’on peut mesurer la mer de liberté,
la césure, le monde,

l’horizon clair transfiguré

au-delà des forces de vie et de mort

Crever le toit comme un jaune d'oeuf
serait alors un jeu d’enfant
plus loin, plus vite, plus haut
que les clous du chasseur
sachant chasser avec son chien chinois

le pourchasseur sachant pourlécher
s’agenouille dans les fougères mouillées
pour reprendre son souffle d’argent

Mais la perdrix, joli gibier de folklore
et son oeil et sa poitrine brunâtre
ne sont-ils pas déjà parfaitement affûtés
dans la chaîne de la babine?

Mais quelle terre du Sud ou du Nord
voudra accorder asile
à une perdrioche anonyme qui s’exile,
qui n’est certes pas une zibeline,
qui n’est pas aussi huppée que la gélinotte,
n’a pas énormément de gernigoine?

C’est comme la paume des poètes
C’est pauvre pour bâtir maison!

On voudrait tant qu’elle tambourine
raide à travers les branches
par le chemin secret
qui mène au bleu vivant

On vaudrait qu’elle s’enjôle de sa sauvagerie
qu’elle se fasse gicler de l’indomptable
qu’elle tambourine enfin
en se levant d’un coup sec
comme l'esprit dans le sable
crinqué par le vent!

Et que rien ne revole
pas une seule goutte de sang!

On voudrait que dans la poussière de pierre et d’os venue,
le chasseur impénitent, manitou, se fasse Riopelle ou Perrault
habité par le vent, les banquises, l’enfance et le blanc, l’encre et le tout nu,
qu’il puisse, s’il le faut, dégrafer la bête avec la bouche
comme la truite sortie du ruisseau par l’hameçon

paraphrasés par le miracle, la bête et l’homme et le fanal
dévoilant les rivages qui se superposent,
ces galets infinis de leur mémoire abracadabrante,
marchent ensemble au coeur des quenouilles...

On voudrait tant qu’elle bardasse les mauvaises herbes,
qu’elle brise les verbes de roches sur le tas de langues
qu’elle s’infiltre dans la prison de nos têtes pendantes,
ces foutus mécanos qui chassent jour et nuit!

L’automne plaqué or coupant court
remballe son tam-tam, son confiteor,
ses fausses vendanges, ses foulards tricotés de récoltes
dans les petits casseaux évanescents,
ses boutonnières de cannelle de pot sous le manteau,
ces boisseaux de mots crochis, cruels
sa mise à mort si lente

Une petite pluie fine inaudible dans le val
telle une fable dans l’oubli
désosse maître et chien
sur le pas de porte de la nuit faite

Il peut venter, grêler, faire tous les temps,
comme dit la chanson,
une rescapée gris roux aux yeux étoilés
se berce sur le plus haut balcon
d’une pruche incandescente

Et le bon chien fidèle revenu bredouille
se déruche l’aventure dans son ventre raccommodé

pendant que son maître en pantoufle d'hiver
regarde un film bien ordinaire à la télévision.



Photo : FindNature

06 novembre 2006

Mr Tambourine Man





J'ai dit que je disparaîtrais pendant quelques jours dans ma basse-cour ésotérique. Mais je ne m'écoute pas! Il le faudra pourtant. Pour reprendre une image de Wittgenstein, je me suis moi-même foutu comme une mouche au fond d'une bouteille. Vide s'entend. À moi de trouver le moyen de m'en échapper.

Entre temps, pour dire comme le dit Steve de Kaïn, le Chef des chefs est en ville. Et nous irons entendre mercredi le plus grand ménestrel vivant : Robert Bob Dylan.

En 1975, j'étais en visite dans une bonne famille américaine, celle d'une collègue de l'école où j'enseignais. Nous sommes en Louisiane, à la frontière du Texas. La guerre du Vietnam achève comme une fin de film effiloché qu'on traîne dans la bouette infiniment à chaque soir à la télé. Le Watergate est consommé et c'est la jaunisse dans les figures. Pour qui Nixon le glas? J'ai les cheveux longs. J'ai 20 ans. J'ai croisé des étudiants contestataires noirs qui m'ont raconté les fusillades sur les campus. Je suis baveux naïf. J'ai passé l'année avec des collègues Français communistes. Je suis fin pourtant. Après le repas, la bonne chère maman me demande : quels artistes américains aimes-tu? Je réponds d'une seule voix : Joan Baez.

Ah! Mon Dieu! Je les ai tant désappointé. Les faces ont baissé. Un froid s'est installé jusqu'à mon départ. Je suis dehors avec mon vélo. Enfin, j'ai sacré le camp!

Mais mon ange restait au chaud caché dans mon froc. Joan Chandos Baez, la Reine du folk, voix de soprano pure comme l'eau de source d'avant Karl Marx. C'est cet ange qui a trimballé sur toutes les scènes folk le jeune tit-bum loup. Puis elle a pris la route de l'engagement militant. On a chanté les chansons de son amoureux dans toutes les manifs des années 60. Dylan n'est jamais allé aux manifs. Son coeur y était en toutes lettres pourtant. Zimmerman n'a pas souligné au crayon rouge l'exploitation de çi et de ça. Il a tracé les sillons de sa poésie avec une seule étoile comme appât : l'inédit qui brille dans la justesse du propos. Son regard intelligent comme un singe qui a singé tous les fonds de tonneaux de la chanson populaire (folk et blues) reste tranquille au-delà de l'horizon. Que lui importe la récolte? Il a semé, marché, composé. Aimé. Quatre enfants. Il marche encore! Il remplit ses salles! Il machouille ses chansons.

Cet homme que j'admire est un Héraclite réincarné. En ce sens qu'il est resté solidement lui-même tout en comprenant finement le flux continuel du mouvement. Il est resté avec ces yeux tranquilles, rarement égarés ou «partis». Des yeux contestataires. Un regard marginal. Faisant son affaire. Une boîte à surprises est toujours sur le point de se renverser dans sa tête. L'accueil qu'il fait à la surprenance dans sa vie fait de Dylan un être profondément spirituel. Au demeurant, cela n'a rien à voir avec son Slow Train Coming.

Dylan l'artiste, le créateur, le mauvais chanteur, l'excellent écrivain, l'inventeur de lui-même, Dylan, fils de Thomas Dylan, fouille, éprouve encore et encore sa soif devant les gradins populaires. Il joue à défendre ce qui n'était pas là l'instant d'avant. Sachant mieux que quiconque qu'il n'est pas un Dieu, que sa monture passera aussi.

Je souhaiterais que Dylan ne finisse jamais son show.
Hey, Mr Tambourine Man, play a song for me!


Beyond the Horizon - Modern Times
(Music and words by Bob Dylan; ©2006 Special Rider Music)

«Beyond the horizon, behind the sun
At the end of the rainbow, life has only begun
In the long hours of twilight ‘neath the stardust above
Beyond the horizon, it is easy to love
(...)

Beyond the horizon, across the divide
‘Round about midnight, we’ll be on the same side
Down in the valley, the waters run cold
Beyond the horizon, someone prayed for your soul

My wretched heart’s pounding
I felt an angel’s kiss
My memories are drowning
In mortal bliss

Beyond the horizon, at the end of the game
Every step that you take, I’m walking the same...»


Political World - Oh Mercy
(by Bob Dylan ©1989 by Special Rider Music)

(...)
«We live in a political world
World of wine, women, and song
You could make it through
Without the first two
Boy, without the third you wouldn't last long

We live in a political world
Where peace is not welcome at all
It's turned away from the door
To wander some more
Or put up against the wall
We live in a political world
Everything is hers or his
Climb into the frame
And shout God's name
But you're never sure what it is
(...)»


«Quel est donc ce langage
qui fait que je t'entends
qui fait que je t'attends
comme animal en cage

Dans la prison des mots
qui nous désappareillent (...)

C'est la voix du premier poète
dont il reste un lointain écho
au petit clocher de nos têtes

Ah!la musique que vous faites
Camarade jargon d'argot»

- Gilles Vigneault, Chanson pour Dylan
(citée de mémoire)

Quoi? Quoi?





Quoi? Quoi? Quoi?
Disaient les oies blanches
sur la Rivière Noire

Quoi!
disait l'une à moi

- Y a pas d'harmonica ici?

- Hein?

- Quoi?

- Non! C'est pas la Rivière Haricana ici!

Quoi? Quoi? Quouoi?

Awouoi!

Disaient les oies blanches
sur la Rivière Noire
dimanche après-midi.


Photos : jd., Rivière Noire, Roxton Falls, P.Q., 5/11/06
Je signale que la bar en face de l'hôtel s'appelle Rock Stone Falls
.


03 novembre 2006

Ça mironne sur Esprits nomades!

Juste une petite vite pour mentionner un texte sur Miron auquel j'ai collaboré et qui vient d'être lâché lousse par les bons soins d'un immense amoureux de la littérature et des arts, le Toulousain Gil Pressnitzer. Merci Gil le moine!

Esprits nomades


01 novembre 2006

Trio verrat, bon en véreux de vlimeux!



Quand est-ce, je vous le demande, vais-je me décider à aller entendre le grand jack de contrebassiste qui a au moins dix pouces savants dans chaque main, un dénommé Normand Guilbault, assez connu dans la colonie zartistique, et qui sévit tout le mois de novembre avec ses complices Derome et Tanguay au Upstairs, les mercredi et les jeudis?

Jeudi demain? Lâchez-moi un wâk!

http://www.panpot.ca/features/articles/blog/Suoni_Derome_1-420.jpg

Photo : Herb Greenslade

Nelligan, fidèle délinquant

Photo Jaques Desmarais
Cher Émile,

Tu m'as souvent tracassé, p'tit côlis! Faut-il te pendre dans nos bras ou bien te donner un coup de pied dans le cul? Disons que ce soir, si tu m'appelais, je t'enverrais tout de go chez le Docteur Ferron qui a pratiqué à St-Jean-des-Fous. Il connaît le gris profond des murs, les lézardes d'extra-terrestres, le mirador au centre des méchants, les corridors qui toussent, les lits en métal, ces navires à l'envers du décor. Et l'abandon. Il n'est pas complaisant avec les dépressifs. Il ausculte d'abord l'âme ce ferré de la plume acide. Je te le recommande. Il a un panache de rhinocéros dans son cabinet. Puis aussi des photographies de la Gaspésie, ta mère patrie.

Disons que ce soir, si tu sonnes au 8277, je te prends dans mes bras comme un frère de matricule et je te donne un coup de pied au cul comme un petit cul qui t'aime.

Toc toc toc! Docteur, c'est nous autres. Je vous amène Émile. Il est souffrant. Il est mort vivant. Il est vivant depuis qu'il est mort. Il me fait souffrir dans son éternité de gamin. C'est un fatigant de nos lettres illuminées. Est-ce grave, cher Docteur? Pouvez-vous souffler mot? Ad usum privatum?

«Hum....»
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« La voix d’Émile Nelligan. La mue et la langue de la mère.

À la mue de la voix, même s’ils en étaient prévenus, la plupart des garçons restent interloqués. Les mots ont pris une autre teinte, la parole ne coule plus de source. La voix qu’ils ont perdue, formée sur celle de la mère, dans les mêmes registres, se mêlait si bien avec la sienne qu’ils avaient la vague impression qu’elle leur parlait du fond d’eux-mêmes, quand ils parlaient.Depuis la nuit des commencements, à l’orée du monde, même si la naissance les avait chassés de son sein, cette mère les avait repris et les possédait – c’est le mot – par les chants de la voix et les sortilèges de la parole et voici qu’avec cette mue, elle est chassée à son tour d’eux-mêmes, s’éloigne et les livre au père, ce jaloux, cet intrus, qui la remplace avec sa grosse voix discordante, cette voix du dehors pour laquelle ils ne se sentent aucune intimité, et pourtant c’est elle qui désormais parle par leur bouche.Interloqués, désemparés, ils ne tardent pas à se reprendre ; ils en éprouveront même de la fierté si l’on a su, comme on le fait d’habitude durant la deuxième enfance, sur valoriser leur sexe, et ils n’en restent que plus pathétiques : cette fierté apprise ne les paye guère de la perte qu’ils ont encourue à l’échange des doux enchantements de l’enfance contre une virilité qui les blesse, d’autant plus brutale qu’elle leur reste abstraite.Ils s’en ressentiront plus tard et seront des amants équivoques, angoissés par les filles, car ils ne les aimeront pas sans avoir l’impression d’assouvir sur elles une secrète vengeance ; maris, ce sera pis : ils ne s’en rendront plus compte. Mais tous les garçons ne s’accommodent pas de cette intrusion du père ; obligés à sa voix, certains lui refuseront la parole et deviendront, comme on dit si bien, mal timbrés ou timbrés tout court.Puisque la mère s’est retirée et qu’elle ne parle plus en eux-mêmes par leur propre voix, par cette voix unie, à la fois double et simple, où le féminin et l’enfantin se conjuguent selon les lois de la première et la plus obscure des syntaxes (et qui passe généralement inaperçue), ils tenteront de la rejoindre autrement, en détournant vers elle, à défaut du timbre vocal, tous les autres sortilèges de la parole, même s’ils n’ignorent pas qu’elle est devenue une chimère et qu’ils ne la retrouveront plus.L’œuvre de Nelligan est une illustration de cette vaine tentative, de cette folle quête. Son père est un Irlandais tombé dans le pactole du ministère des Postes ; ses appointements, qui s’élèvent à huit mille dollars par année, sont considérables pour l’époque, énormes quand on a laissé derrière soi la famine de l’Irlande; il n’en reviendra jamais, ébahi de sa chance, la face ronde comme une lune. Il a épousé une Canadienne qui a le fini mondain qu’exigent ses appointements, formée par les Ursulines de Rimouski à la politesse un peu factice, un peu passée, mais toujours appréciée, de l’ancien régime français.C’est une mère séduisante, à qui il manque, hélas ! la chaleur du naturel. Elle s’était accommodée de l’Irlandais à cause du train de vie qu’il lui avait procuré, digne d’une dame, ce dont elle n’a jamais douté qu’elle était. Aussi, après en avoir été flattée, elle finira par être désemparée, à cause des conséquences de ce choix passionné, de se voir l’élue de son fils à l’exclusion du père.Le père lui en sera stupéfait car il s’estime, non sans raison, le principe d’une réalité dont le fils devrait tenir compte. S’il peut s’exprimer en français chez lui à la façon cocasse des Irlandais qui sont, comme on le sait, les inventeurs du joual, c’est par l’anglais qu’il resplendit, à qui il doit tout, le train de sa maison et même le français distingué de sa femme.Or, après la mue de sa voix, Émile Nelligan refuse la parole à l’intrus, à ce père ébahi, c’est d’autant plus évident qu’il rejeta son vocabulaire pratique, ses mots anglais. Il ne recherchait pas la réalité, mais la mère qu’il avait perdue, qui restait la seule femme qu’il eut connue et qu’il ne pouvait plus partager, malgré qu’il en eût, entre l’homme qu’il était devenu et l’enfant qu’il avait été.Ce fut avec des mots français, mais choisis parmi les plus rares, sans rapport avec les mots de tous les jours, comme si l’anglais avait contaminé le français usuel, qu’il para sa mère comme une idole, probablement sans le savoir, qu’il composa son œuvre en y mettant toute son âme, avec une exaltation qui ne pouvait pas avoir de suite.Cette œuvre faite, il fut trop tard. Le père descendit de la pleine lune, brutal, et tout ce qu’il obtint fut de faire de son fils un vagabond qui couchait dans les parcs de peur de rentrer à la maison. Par bonheur – ou par malheur, sait-on ? – ce père n’y restait guère, obligé de repartir sur sa lune en tournée d’inspecteur des Postes. Le poète alors rentrait, génie honteux ; il se réfugiait dans sa chambre où sa mère lui portait ses repas. Il n’y avait plus de commune mesure entre cette femme effarée et l’idole qu’il avait parée.Un jour, il éclata ; il se mit à frapper à coups de poing contre les murs de cette chambre où il étouffait. Telle fut la crise qui le mena à l’asile Saint-Benoît, non point comme fou, mais en tant que délinquant. Ce fut dans cette prison sans femme que ce beau garçon, dans toute la verve de l’âge, s’éteignit.Sa mère en fit son sacrifice : elle ne le reverra qu’une fois, furtivement. Lui, avec l’incroyable obstination des fous, il restera fidèle à son œuvre somptueuse et baroque, à cet éblouissement qu’il l’avait obscurci, dont il ne se rappelait plus que des lambeaux qu’il déclamait, les yeux vides, d’une façon machinale. »

Jacques Ferron, L’Information médicale et paramédicale, vol. XXXI, no 14, 5 juin 1979.
Cette Historiette a été par la suite publiée dans l'aut'Journal, N° 230, juin 2004.http://www.lautjournal.info/autjourarchives.asp?article=1990&noj=230